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damné à mort son propre cadavre, afin de le soumettre aux épreuves de la pile de Volta.

L’individu qui fut le sujet de cette expérience, était un homme d’environ trente ans, de moyenne taille et de formes athlétiques. Il demeura pendant près d’une heure, attaché au gibet, sans faire aucun mouvement. On le porta à l’amphithéâtre anatomique de l’Université, dix minutes environ après qu’on l’eut détaché de l’instrument du supplice. La face avait un aspect naturel et le cou n’offrait aucune dislocation.

La pile voltaïque, préparée par le docteur Ure, pour cette expérience, était une pile à auges contenant deux cent soixante-dix couples, cuivre et zinc, de quatre pouces. Chaque fil conducteur communiquant avec les deux pôles se terminait par une pointe métallique enveloppée, près de son extrémité, d’une petite poignée isolante, pour le manier plus commodément.

Les officiers de police ayant apporté le cadavre, la pile fut aussitôt chargée avec un mélange d’acides sulfurique et azotique, convenablement étendus. M. Marshall exécuta les dissections.

On commença par pratiquer au-dessous de l’occiput, une grande incision, afin de découvrir la vertèbre atlas, dont on enleva la moitié postérieure, de manière à mettre la moelle épinière à nu. On fit, en même temps, une grande incision à la hanche gauche, pour découvrir le nerf sciatique. La tige métallique qui communiquait avec l’un des pôles de la pile, fut alors mise en contact avec la moelle épinière ; tandis que celle qui communiquait avec l’autre pôle était appliquée sur le nerf sciatique. À l’instant tous les muscles du corps furent agités de violents mouvements convulsifs, qui ressemblaient à un frisson universel. Quand on rétablissait et interrompait alternativement le courant électrique, tout le côté gauche du corps éprouvait de vives convulsions.

On fit alors une petite incision au talon, de manière à mettre à nu le tendon d’Achille. L’un des conducteurs de la pile était maintenu, comme précédemment, en contact avec la moelle épinière ; l’autre fut appliqué sur la petite incision faite au talon du supplicié, dont on avait préalablement plié les genoux. Dès que la communication électrique fut établie, la jambe, qui se trouvait fléchie sur la cuisse, se détendit subitement. Elle fut lancée avec tant de violence, qu’elle faillit renverser un des aides qui essayait en vain de la retenir.

On se mit ensuite en devoir de rétablir par l’agent électrique, les mouvements de la respiration. À cet effet, on mit à nu le nerf diaphragmatique gauche, vers le bord externe du muscle sterno-thyroïdien, à trois ou quatre pouces au-dessous de la clavicule. On fit ensuite une petite incision sur le cartilage de la cinquième côte, et l’un des conducteurs de la pile fut mis, par cette ouverture, en contact avec le diaphragme, tandis que l’autre était appliqué, dans la région du cou, sur le nerf diaphragmatique.

Le résultat fut prodigieux. À l’instant, on vit se rétablir sur le cadavre les phénomènes mécaniques d’une forte et laborieuse respiration. La poitrine s’élevait et s’abaissait ; le ventre était poussé en avant, et s’affaissait ensuite ; le diaphragme se dilatait et se contractait, comme dans la respiration naturelle. Ces divers mouvements se manifestèrent sans interruption, aussi longtemps que le courant électrique fut maintenu. « Au jugement de plusieurs savants qui étaient témoins de la scène, dit le docteur Ure, cette expérience respiratoire fut peut-être la plus frappante qu’on eût jamais faite avec un appareil scientifique. »

Le docteur Ure ajoute qu’il est permis de supposer que la circulation se serait établie, et que l’on aurait vu battre le cœur et les artères, si le sujet n’eût été épuisé de sang, stimulant essentiel de cet organe.

Après avoir artificiellement rétabli les phénomènes mécaniques de la respiration, on