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bert Hooke. A était la planche peinte en noir derrière laquelle étaient cachés les signaux, B, C, que l’on faisait apparaître à volonté en tirant la corde D.

Robert Hooke entendait se servir de ce télégraphe même pendant la nuit. Mais on ne connaît pas exactement les dispositions qui lui étaient venues à l’esprit pour cette télégraphie nocturne, parce que cette partie de son mémoire manuscrit n’a pas été retrouvée intacte. Le Discours lu par Hooke à la Société royale de Londres, a été publié dans les œuvres posthumes de ce savant. Or, l’éditeur fait remarquer que le manuscrit de l’auteur avait des feuilles déchirées et des pages d’une écriture illisible, dans la partie qui concerne son télégraphe nocturne ; de là l’obscurité qui règne dans la description qu’il en a donnée.



CHAPITRE III

le physicien français amontons découvre le système de télégraphie moderne. — autres projets de télégraphie aérienne.

La France, on a pu le remarquer, n’avait encore fourni aucun contingent à l’ordre de travaux qui nous occupent. Il faut donc nous empresser d’ajouter qu’un physicien français du xviie siècle, Guillaume Amontons, eut le mérite, peu de temps après Robert Hooke, c’est-à-dire en 1690, de découvrir la méthode qui sert de base à la télégraphie aérienne moderne. C’est en effet Amontons qui, le premier, se servit d’une lunette pour observer les signaux formés dans l’espace, et servant à établir une correspondance entre deux points éloignés.

Dans l’Éloge d’Amontons, Fontenelle a décrit, avec assez d’exactitude, la découverte d’Amontons, qui consistait à se servir de lunettes d’approche pour observer les signaux transmis par des postes fixes.

« Peut-être, dit Fontenelle, prendra-t-on pour un jeu d’esprit, mais du moins très-ingénieux, un moyen qu’il inventa de faire savoir tout ce qu’on voudrait à une très-grande distance, par exemple de Paris à Rome, en très-peu de temps, comme en trois ou quatre heures, et même sans que la nouvelle fût sue dans tout l’espace d’entre-deux. Cette proposition, si paradoxe et si chimérique en apparence, fut exécutée dans une petite étendue de pays, une fois en présence de Monseigneur, et une autre en présence de Madame. Le secret consistait à disposer dans plusieurs postes consécutifs des gens qui, par des lunettes de longue vue, ayant aperçu certains signaux du poste précédent, les transmissent au suivant, et toujours ainsi de suite, et ces différents signaux étaient autant de lettres d’un alphabet dont on n’avait le chiffre qu’à Paris et à Rome. La plus grande portée des lunettes faisait la distance des postes, dont le nombre devait être le moindre qu’il fût possible ; et comme le second poste faisait des signaux au troisième à mesure qu’il les voyait faire au premier, la nouvelle se trouvait portée à Rome presque en aussi peu de temps qu’il en fallait pour faire les signaux à Paris. »

La théorie et la pratique du télégraphe aérien moderne se trouvent contenues, on peut le dire, dans le système d’Amontons, qui fut d’ailleurs, comme nous allons le raconter, soumis à une expérience publique.

Amontons était un des physiciens les plus habiles du xviie siècle. Ses travaux relatifs au thermomètre à air, au baromètre et à l’hygrométrie, ont exercé sur les progrès de la physique une influence puissante. Il était né inventeur. Mais s’il avait le génie qui dicte les découvertes, il était loin de réunir les qualités d’esprit qui font le succès et la fortune des inventions. Hors de ses livres et de ses machines, c’était l’homme le plus gauche et le plus ennuyeux du monde. Ajoutez qu’il était sourd. Il ne voulut jamais essayer de guérir sa surdité. « Il se trouvait bien, dit Fontenelle, de ce redoublement d’attention et de recueillement qu’elle lui procurait, semblable en quelque chose à cet ancien qui se creva les yeux pour n’être pas distrait dans ses méditations philosophiques. »

Ceci était admirable pour faire des découvertes, mais peu avantageux pour les propager au dehors. Aussi est-il probable que