Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/468

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d’assurance placée à son extrémité ; nous l’aidâmes à s’ouvrir, en tirant la ficelle qui descendait jusqu’à la gondole ; le fluide en sortit avec tant de rapidité que nous nous déterminâmes à faire jouer la soupape supérieure ; le gaz en sortit avec un sifflement que nous prîmes d’abord pour le bruit d’une chute d’eau. C’est ainsi que nous en avons constamment usé, vidant d’abord la soupape du bas, pour juger de la nécessité d’ouvrir celle de dessus, et cela afin de ménager la force d’ascension, et de ne pas nous exposer à voir crever le ballon. La dilatation par la chaleur du soleil, et la continuité de l’écoulement du gaz par la soupape supérieure, fit juger que le ballon s’était ouvert en cette partie. Nous devons à la bonté de nos soupapes, et à l’attention continuelle que nous y portions, d’avoir évité ce danger ; mais on verra aussi que cette distraction fréquente a beaucoup nui à nos projets de direction en donnant le temps au vent, quelque faible qu’il fût, de gagner sur nous.

Pour faire connaître jusqu’à quel point nous avons réussi dans cette entreprise, nous n’avons pas trouvé d’autre moyen que de tracer sur la carte la ligne que nous avons suivie, en indiquant les villages, les bois, les chemins sur lesquels nous avons passé, qu’il nous était facile de reconnaître, n’étant pas fort élevés, que nous nous sommes même fait nommer quelquefois par les habitants, et distinguant avec soin les espaces dans lesquels nous avons manœuvré, et ceux où nous avons été gouvernés par le vent.

Ayant suffisamment fait jouer les soupapes pour nous tranquilliser sur l’effet de la dilatation, nous observâmes que le vent nous avait portés de A, point de départ, en I, du côté du parc B. Le baromètre n’était descendu qu’à 26 pouces 4 lignes. Nous résolûmes d’essayer les manœuvres à la vue de toute la ville, et de là tourner de l’est au nord ; nous reconnûmes avec plaisir qu’elles produisaient leur effet : le gouvernail déplaçait l’arrière et portait le cap du côté que nous désirions, en changeant chaque fois la direction d’environ 3 à 4 degrés sur la boussole, ce qui fut estimé très-exactement par M. de Virly sur une boussole portant un second cercle divisé en heures et quarts d’heure. Le déplacement se trouva de deux divisions ou d’un 96e.

Les rames, jouant d’un seul côté, appuyaient le gouvernail et hâtaient le déplacement ; jouant ensemble, elles faisaient aller en avant. Nous parcourûmes ainsi l’espace de 1 à 2, laissant Crommoy à peu de distance de notre gauche, le vent nous rejetant sensiblement sur l’est. Nous restâmes là quelque temps stationnaires, ouvrant de temps en temps la soupape, et les flammes pendant à l’avant nous ayant fait connaître que l’air était plus calme, nous portâmes sur Pouilly, et nous en fûmes si peu détournés que nous passâmes entre le parc E et le hameau d’Espirey D. Il était 8 heures, le mercure se soutenait dans le baromètre à 25 pouces 1 ligne.

Après avoir parcouru la ligne 2-3, nous restâmes encore quelque temps stationnaires, et quoiqu’il n’y eût aucun courant sensible, nous vîmes très-bien que nous tournions sur nous-mêmes, lorsque nous ne faisions aucun usage de nos manœuvres.

Nous nous en servîmes pour tâcher de revenir à l’ouest de Pouilly ; et, tantôt plus tantôt moins contrariés par le vent, nous suivîmes à peu près la courbe 3-4, coupant en travers le chemin de Dijon à Langres, un peu au-dessus de la fourche du chemin d’Is-sur-Tille, H. Lorsque ce chemin se trouva pour la première fois sous nos fils à plomb, il était 8 heures et demie, le mercure était descendu à 24 pouces 8 lignes, ce qui annonçait que nous nous élevions insensiblement, soit par le progrès de la dilatation, soit par la légèreté que nous acquérions, chaque fois que nous ouvrions nos soupapes. L’hygromètre de M. de Saussure marquait 66 degrés.

Le ciel était toujours serein ; mais il s’élevait, d’une infinité de points, des vapeurs formant de petits nuages isolés qui nous paraissaient comme des cônes irréguliers dont la base portait à terre, ou du moins en était très-voisine. Un de ces nuages, et le plus considérable, nous masqua quelque temps la ville, et plusieurs personnes ont jugé que nous l’avions traversé, quoiqu’il fût bien sûrement plus près d’elle que de nous.

Nous prîmes conseil pour savoir ce que nous devions entreprendre. M. de Virly aurait désiré terminer ce voyage aérostatique par une longue route dans la ligne du vent, de manière qu’il n’y eût plus à diriger que pour choisir le lieu de descente dans un arc de cercle de quelques degrés ; mais le vent n’était pas assez fort pour nous seconder dans ce projet. Nous essayâmes quelque temps la route de Langres ; nous manœuvrâmes en conséquence, et, malgré nos efforts, le vent nous fit dériver suivant la ligne 4-5.

Il commençait à se former quelques plis à la partie inférieure du ballon, et bientôt nous vîmes les objets se grossir à nos yeux ; nous descendîmes jusqu’à environ soixante ou soixante-dix pieds de terre, au point marqué 6. Nous demandâmes à quelques paysans, qui venaient à nous, comment se nommait le village qui était à notre droite, K. Ils nous répondirent que c’était Ruffay. Ils s’apprêtaient à empoigner nos cordes pour nous faire arriver ; mais nous nous trouvions sur un terrain couvert d’assez grands arbres ; nous avions perdu quelque temps à causer avec eux ; nous jetâmes précipitamment cinq ou six paquets de lest pesant huit ou dix livres ; nous remontâmes tout de suite, à leur grand étonnement, et à la plus grande hauteur que nous ayons tenue dans cette expérience. Il était 9 heures précises ; le baromètre descendit à 23 pouces et une demi-ligne, ce qui donne une élévation d’environ 942 toises. L’hygromètre de M. de Saussure marqua 65 degrés ½, celui de M. Retz, qui était joint à notre baromètre,