Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/475

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Enfin, ce qui était plus violent :

Mais quel soudain revers, hélas !
Ne vois-je pas mon prince en bas !
Comme il est fait, comme il se pâme !
On dirait qu’il va rendre l’âme.
L’âme !…… Oh ! qu’il n’est pas dans ce cas,
Peut-on rendre ce qu’on n’a pas ?

Tout cela était parfaitement injuste. En crevant son ballon au moment où il menaçait de l’emporter avec ses compagnons, dans des régions d’une hauteur incommensurable, le duc de Chartres fit preuve de courage et de sang-froid. Blanchard prit le même parti, le 19 novembre 1785, dans une ascension qu’il fit à Gand, et dans laquelle il se trouva porté à une si grande hauteur, qu’il ne pouvait résister au froid excessif qui se faisait sentir. Il creva son ballon, coupa les cordes de sa nacelle, et se laissa tomber en se tenant suspendu au filet.

L’Angleterre n’avait pas encore eu le spectacle d’un aérostat portant des voyageurs. Le 14 septembre 1784, un Italien, Vincent Lunardi, fit à Londres le premier voyage aérien qui ait eu lieu au delà de la Manche.

Déjà, c’est-à-dire le 25 novembre 1783, le comte Zambeccari, qui devait plus tard mourir victime de l’aérostation, avait lancé, à Londres, un ballon sphérique, à gaz hydrogène, du diamètre de 3 mètres. C’était la première fois que les Anglais avaient été témoins du gonflement et du départ d’un ballon. Mais personne, en Angleterre, n’avait osé se confier à un esquif aérien, et ce fut un étranger, le capitaine Vincent Lunardi, qui donnant l’exemple du courage, osa s’élancer dans les airs, devant la population de Londres.

Dans son Histoire de l’aérostation, qui s’arrête à l’année 1786, Tibère Cavallo, écrivain anglais, a décrit avec assez de détails l’ascension faite à Londres, par Lunardi, le 14 septembre 1784.

Fig. 274. — Aérostat de Lunardi (ascension faite à Londres le 14 septembre 1784).

L’aérostat fut porté à une place nommée Artillery Ground, et on le gonfla avec du gaz hydrogène pur, obtenu par l’action de l’acide sulfurique sur le zinc. Il fallut un jour et une nuit pour le remplir. Ce ballon n’avait pas de soupape, il mesurait 10 mètres de diamètre, et présentait la forme d’une sphère.

Lunardi devait s’élever accompagné de deux personnes : le chevalier Biggin et une jeune Anglaise, Mme  Sage. Ils se placèrent, en effet, tous les trois dans la nacelle, et c’est ainsi qu’on les voit représentés, dans une gravure anglaise d’un joli effet. Mais le gaz n’avait pas la force d’ascension suffisante pour enlever trois personnes, et Lunardi dut partir seul.