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peut-être elle aurait eu quelque effet s’il en avait changé la direction.

Quoi qu’il en soit, voici la description de sa machine, telle qu’il l’a faite lui-même. Elle avait la forme d’une nacelle ou gondole, elle était longue de sept pieds et large de trois et demi, sans compter les accessoires volatils ; elle était couverte pour mettre à l’abri de la pluie. Sa construction n’était qu’un assemblage, sans qu’il y entrât aucuns clous. Elle avait quatre charnières (apparemment celles qui servaient au mouvement des ailes) ; ces quatre charnières étaient les pièces les plus sujettes à se briser du char volant. Elles devaient se renouveler, toutes les fois que le char aurait fait trente-six mille lieues (il ne dit pas comment et de quoi étaient composées les ailes de sa voiture volante). Elle ne pesait que quarante-huit livres ; mais le conducteur pesait cent cinquante livres, M. Desforges lui permettant d’avoir une valise pesant, toute remplie, quinze livres, citait en totalité deux cent treize livres que la voiture devait porter. Elle était faite de manière que ni les grands vents, ni les orages, ni la pluie ne pouvaient la briser ni la culbuter. Elle pouvait, en cas de besoin, servir de bateau. Quant au conducteur, pour ne pas être incommodé par la trop grande affluence de l’air, M. Desforges lui appliquait sur l’estomac une grande feuille de carton. Il lui donnait aussi un bonnet de même matière pour lui couvrir toute la tête. Ce bonnet était pointu comme la tête d’un oiseau, et était garni de verres vis-à-vis des yeux pour pouvoir diriger sa route.

On pouvait, avec cette machine, faire trente-six mille lieues en quatre mois, en ne faisant que trois cents lieues par jour, et trente lieues par heure, ce qui ne donnerait que dix heures de travail par jour[1]. »

En dépit de ces beaux calculs, la machine s’obstina à refuser tout service. L’expérience annoncée n’eut donc pas lieu, et la comédie italienne joua, à propos de cette tentative avortée, un vaudeville historique, intitulé le Cabriolet volant, qui fit courir tout Paris.

La dernière machine de ce genre est le bateau volant dont Blanchard faisait l’exhibition de 1780 à 1783, dans l’hôtel de la rue Taranne où se trouve aujourd’hui un établissement de bains, et qui appartenait alors à l’abbé Viennay, son protecteur déclaré.

Blanchard travailla plusieurs années à son bateau volant ; mais jamais il n’en fit une expérience sérieuse. Il montra longtemps sa machine dans les jardins de l’hôtel de la rue Taranne, toujours au moment de procéder à une expérience de vol aérien, et ne se décidant jamais à la faire. Il avait construit deux appareils différents, qu’il modifiait d’ailleurs sans cesse. C’était d’abord son bateau volant, espèce de nacelle aérienne munie de rames, dont il voulait faire usage dans son ascension au Champ-de-Mars le 2 mars 1784, mais dont il ne put tirer aucun parti.

Blanchard, outre ce premier système, avait construit une paire d’ailes qu’il appliquait à son corps, et qui lui permettait de s’élever jusqu’à 80 mètres de hauteur, au moyen d’un contre-poids.

Fig. 295. — Machine volante de Blanchard.

Pour se servir de ce dernier appareil, que représente la figure 295, il se plaçait à terre, et s’élevait à 80 pieds de hauteur, au moyen d’un contre-poids de 20 livres, qui glissait le long d’un mât.

Mais pour voler il aurait fallu supprimer ce contre-poids, et là était la difficulté. Pendant plusieurs années, il chercha, sans y parvenir, le moyen de se délivrer de cette entrave. C’était comme un danseur de corde qui voudrait jeter son balancier. Or il ne put jamais en venir là.

Le mauvais résultat des nombreux essais entrepris pendant le dernier siècle, pour

  1. Essai sur l’art du vol aérien (sans nom d’auteur), in-12, Paris » 1784, p. 40-44.