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Elle est d’ailleurs mise hors de doute par un article imprimé en 1815 dans le Quarterly Journal of Sciences, attribué à M. Faraday. Il est dit dans cet article, que si l’on respire la vapeur d’éther mêlée d’air atmosphérique, dans un flacon muni d’un tube, on éprouve des effets semblables à ceux qui sont occasionnés par le protoxyde d’azote ; l’action, d’abord exhilarante, devient plus tard stupéfiante. L’auteur ajoute que ce dernier effet peut devenir grave sous l’influence de l’éther, et il cite l’exemple d’un gentleman qui, pour s’être soumis à son action, tomba dans une léthargie qui se prolongea pendant trente heures et menaça sérieusement sa vie.

Ainsi les propriétés enivrantes et stupéfiantes du protoxyde d’azote étaient connues depuis le commencement de notre siècle, et l’on savait, en outre, que les vapeurs d’éther jouissent de la même action physiologique. Ces faits étaient si bien établis, que les élèves des laboratoires se faisaient un jeu des inhalations éthérées. En outre, Humphry Davy avait signalé la propriété remarquable dont jouit le gaz hilarant, d’abolir la douleur physique, et il avait proposé de s’en servir dans les opérations chirurgicales. Les éléments d’une grande découverte commençaient donc à se rassembler. Que fallait-il faire pour hâter ses progrès ? Soumettre à l’expérience l’idée émise à titre de proposition par Humphry Davy, c’est-à-dire administrer le protoxyde d’azote dans une opération chirurgicale. C’est ce que fit Horace Wels, et c’est pour cela que le nom du dentiste de Hartford doit être inscrit après celui de Davy sur la liste des hommes qui ont concouru à la création de la méthode anesthésique.


CHAPITRE III

expérience d’horace wels à l’hôpital de boston avec le gaz hilarant. — essais de charles jackson. — entrevue de jackson et du dentiste william morton. — premiers emplois de l’éther comme agent anesthésique.

Horace Wels exerçait sa profession à Hartford, petite ville du comté de Connecticut. Il avait résidé quelque temps dans la capitale des États-Unis, à Boston, comme associé du dentiste William Morton. Mais l’association n’avait pas prospéré, et il avait dû retourner dans sa ville natale. C’est là qu’au mois de novembre 1844, il lui vint à l’esprit de vérifier le fait énoncé par Davy, relativement à l’abolition de la douleur par les inhalations du protoxyde d’azote. Il fit sur lui-même le premier essai : il respira ce gaz ; une fois sous son influence, il se fit arracher une dent, et ne ressentit aucune douleur. À la suite de cet essai favorable, il pratiqua la même opération sur douze ou quinze personnes avec un succès complet. Horace Wels assure même qu’il employa dans le même but l’éther sulfurique ; mais ce composé lui parut exercer sur l’économie une action trop énergique ; sur les conseils du docteur Marcy, il renonça, s’il faut l’en croire, à en faire usage, et il s’en tint au gaz hilarant.

Assuré de l’efficacité de ce moyen préventif de la douleur, Horace Wels partit pour Boston, dans l’intention de faire connaître sa découverte à la Faculté de médecine. En

    rains a raconté que le docteur Thornton l’avait soumis à ce traitement pendant sa jeunesse. Ainsi, l’emploi des inhalations éthérées comme remède interne était entré d’une manière assez sérieuse dans la pratique médicale. Enfin, l’appareil qui servait à administrer les vapeurs d’éther était à peu de chose près le même que celui qu’ont employé les chirurgiens des États-Unis, dans les premiers temps de la méthode anesthésique. Dans l’article Éther du Dictionnaire des sciences médicales publié en 1815, Nysten décrit ainsi cet appareil : « Il consiste en un petit flacon de verre à deux tubulures, à moitié rempli d’éther. L’une des tubulures reçoit un tube qui s’ouvre d’une part dans l’air atmosphérique et plonge de l’autre dans l’éther. L’autre tubulure opposée à la précédente est courbée en arc, de manière que, son extrémité devenant horizontale, le malade la reçoit dans sa bouche, et c’est par elle qu’il respire. L’air atmosphérique, introduit par la première tubulure, traverse l’éther et s’imprègne de sa vapeur qu’il porte dans les voies respiratoires. » C’est, comme on le verra plus loin, l’appareil que les chirurgiens américains ont employé au début de la méthode anesthésique.