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il pourra suspendre au plafond une série de timbres en nombre égal à celui des lettres de l’alphabet, et diminuant graduellement de dimension depuis le timbre A jusqu’au timbre Z. Du premier faisceau de fils horizontaux, il en fera partir un autre aboutissant aux différents timbres, c’est-à-dire qu’un fil ira du fil A au timbre A, un autre du fil B au timbre B, etc.

« Alors celui qui commence la conversation amène successivement les fils en contact avec la batterie comme auparavant, et l’étincelle électrique, se déchargeant sur les timbres de dimensions différentes, désignera au correspondant, par le son produit, les fils qui auront été tour à tour touchés. De cette manière, et avec un peu de pratique, les deux correspondants arriveront sans peine à traduire en mots complets le langage des carillons, sans être assujettis à l’ennui de noter ou d’écrire chacune des lettres indiquées.

« On peut parvenir encore au même but d’une autre manière. Supposons que les balles soient suspendues au-dessus des caractères, comme dans la première expérience ; mais, au lieu d’amener les extrémités des fils horizontaux en contact avec la batterie, convenons qu’un second faisceau de fils partant de l’électrificateur vienne aboutir aux fils horizontaux du premier faisceau, et que tout soit en même temps disposé de telle sorte que chacun des fils de la deuxième série puisse être détaché du fil correspondant de la première par une pression exercée sur une simple touche, et qu’il revienne de nouveau aussitôt qu’on lui rend la liberté en cessant de presser. Ceci peut être obtenu par l’intermédiaire d’un petit ressort ou de vingt autres moyens que l’on imaginera sans peine. De cette manière, les caractères adhéreront constamment aux balles, excepté lorsque l’on éloignera un des fils secondaires du fil horizontal en contact avec la balle, et alors la lettre, à l’autre extrémité du fil horizontal, se détachera immédiatement de la balle, et sera par là même montrée au correspondant. Je mentionne en passant cette nouvelle disposition comme une variété intéressante.

« Quelqu’un pensera peut-être que, quoique le feu ou flux électrique n’ait pas paru sensiblement diminuer d’intensité dans sa propagation à travers les longueurs des fils expérimentés jusqu’ici, on peut raisonnablement supposer, comme les longueurs des fils n’ont pas dépassé 30 ou 40 yards, que, sur une longueur beaucoup plus grande, cette intensité diminuera considérablement et sera probablement tout à fait épuisée par l’action de l’air environnant, après un parcours de quelques milles.

« Pour prévenir cette objection et sans perdre de temps en arguments inutiles, je dirai qu’il suffira de recouvrir les fils, d’une extrémité à l’autre, avec une couche mince de mastic de joaillier : ceci peut se faire avec une dépense additionnelle très-minime ; et comme cette couche est électrique par elle-même, c’est-à-dire isolante, elle mettra efficacement chaque partie du fil à l’abri de l’action épuisante de l’atmosphère[1].

Je suis, etc.                                                                                           C. M. »


L’appareil proposé par le savant écossais dont le nom se cache sous ces deux initiales, et que l’on croit être celui de Charles Marshall, savant écossais qui passait pour savoir forcer la foudre à parler et à écrire sur les murs, était fort judicieusement combiné. C’est pour nous aujourd’hui un sujet de surprise de trouver décrit, dès cette époque, un système réalisant d’une manière si rationnelle la télégraphie au moyen de l’attraction des corps électrisés. Cependant la lettre du savant anonyme n’attira aucune attention, car l’appareil qu’il propose ne fut jamais mis à exécution.

L’honneur d’avoir le premier exécuté, dans des conditions pratiques, un appareil de télégraphie fondé sur l’emploi de l’électricité statique, appartient à un savant génevois, d’origine française, nommé Georges-Louis Lesage.

Georges-Louis Lesage était un physicien habile qui a laissé des travaux estimés ; il vivait à Genève du produit de quelques leçons de mathématiques. C’est vers l’année 1760 que Lesage conçut le projet d’un télégraphe électrique, qu’il exécuta à Genève en 1774. L’instrument, qu’il imagina, et qui n’était d’ailleurs qu’un appareil de démonstration ou d’essai, se composait de vingt-quatre fils métalliques séparés les uns des autres et noyés dans une substance non conductrice. Chaque fil allait aboutir à un électromètre particulier formé d’une petite balle de sureau suspendue à un fil de soie. En mettant une machine électrique ou un bâton de verre électrisé, en contact avec l’un de ces fils, la balle de l’électromètre qui y correspondait était repoussée, et ce mouvement indiquait la lettre de l’alphabet

  1. Journal le Cosmos, 1857.