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que l’on voulait faire passer d’une station à l’autre. C’était, on le voit, avec bien peu de différences, l’appareil de notre savant écossais.

Lesage était en correspondance avec les savants les plus distingués de l’Europe, et particulièrement avec d’Alembert. C’est ce dernier sans doute qui lui suggéra l’idée de faire hommage de sa découverte au grand Frédéric, qui aurait aisément fait la fortune de l’invention. Lesage se proposait, en effet, d’offrir sa découverte au roi de Prusse ; il avait même préparé la lettre suivante, qui devait accompagner l’envoi de ses instruments :

« Ma petite fortune est non-seulement suffisante pour tous mes besoins personnels ; mais elle suffit même à tous mes goûts, excepté un seul, celui de fournir aux besoins et aux goûts des autres hommes. Ce désir-là, tous les monarques du monde réunis ne pourraient me mettre en état de le satisfaire pleinement. Ce n’est donc pas au patron qui peut donner beaucoup que je prends la liberté d’adresser la découverte suivante, mais à celui qui peut en faire beaucoup d’usage. »

Fig. 32. — Georges-Louis Lesage de (Genève).

Mais Frédéric se trouvait à cette époque au milieu des embarras de la guerre de Sept-ans ; Lesage abandonna son projet.

Cependant l’idée de la télégraphie électrique avait déjà si bien pénétré dans tous les esprits, qu’on la trouve quelques années après réalisée à la fois en France, en Allemagne et en Espagne.

En 1787, un physicien, nommé Lomond, avait construit à Paris, une petite machine à signaux fondée sur les attractions et répulsions des corps électrisés. C’est ce que nous apprend Arthur Young, dans son Voyage en France.

À la date du 16 octobre 1787, les tablettes d’Young contiennent le passage qui va suivre :

« Rendez-vous chez M. Lavoisier.

« Madame Lavoisier, personne pleine d’animation, de sens et de savoir, nous avait préparé un déjeuner anglais au thé et au café ; mais la meilleure partie de son repas, c’était la conversation. Le soir, visite à M. Lomond, jeune mécanicien très-ingénieux et très-fécond, qui a apporté une modification au métier à filer le coton. Il a fait aussi une découverte remarquable sur l’électricité. On écrit deux ou trois mots sur un morceau de papier, il l’emporte dans une chambre et tourne une machine renfermée dans une caisse cylindrique, sur laquelle est un électromètre, petite balle de moelle de sureau ; un fil de métal la relie à une caisse également munie d’un électromètre placé dans une pièce éloignée. Sa femme, en notant les mouvements de la balle de sureau, écrit les mots qu’ils indiquent. D’où l’on peut conclure qu’il a formé un alphabet au moyen de mouvements. Comme la longueur du fil n’a pas d’influence sur le phénomène, on peut correspondre ainsi à quelque distance que ce soit, par exemple, du dedans au dehors d’une ville assiégée, ou, pour un motif bien plus digne et mille fois plus innocent, l’entretien des deux amants, privés d’en avoir d’autres[1]. »

En Allemagne, Reiser proposa, en 1794, d’éclairer à distance, au moyen d’une décharge électrique, les diverses lettres de l’alphabet, que l’on aurait découpées d’avance sur des carreaux de verre, recouverts de bandes d’étain. L’étincelle électrique devait se transmettre par vingt-quatre fils, correspon-

  1. Voyages en France pendant les années 1787, 1788 et 1789, par Arthur Young. — Nouvelle traduction, par M. Jules Lesage. Paris, 1860, chez Guillaumin.