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ou sur métal, avec de l’encre d’impression. La photographie aura touché ses colonnes d’Hercule lorsqu’elle aura trouvé le moyen de transporter ses négatifs sur cuivre ou sur acier, de manière à faire mécaniquement le tirage des épreuves positives sur papier, comme on le fait pour la lithographie et la gravure.

Cette vérité a été comprise de très-bonne heure. Aussi, depuis l’origine de la photographie, un grand nombre d’expérimentateurs sont-ils entrés dans cette voie. Ce n’est pourtant qu’après de très-longs efforts que le problème a pu être résolu. Il n’a pas fallu moins de dix-huit années de travaux pour arriver à transformer avec économie et facilité, les négatifs de la photographie en planches propres au tirage à l’encre d’impression. Encore ne peut-on dire que le problème soit aujourd’hui résolu d’une manière absolument satisfaisante et pratique.

L’idée de transformer les plaques photographiques en planches à l’usage des graveurs, était si naturelle, que ce vœu fut exprimé dès les premiers temps de la découverte de Daguerre. Chacun regrettait de voir ces merveilleuses images condamnées à rester à jamais à l’état de type unique ; tout le monde comprenait l’importance que devait offrir la transformation des plaques de Daguerre en planches propres à la gravure, et susceptibles, par conséquent, de suffire, grâce à l’impression typographique, à un tirage illimité. Savants, industriels et artistes, appelaient de leurs vœux ce perfectionnement.

Il y avait alors, dans la presse scientifique de Paris, un savant distingué et un écrivain habile : c’était le docteur Donné, aujourd’hui recteur de l’Académie de Montpellier. Comme nous tous, qui, par profession et par goût, surveillons le mouvement des choses scientifiques, M. Donné suivait avec l’intérêt le plus vif la marche et les progrès de l’invention admirable qui préoccupait alors le monde savant tout entier. Il essaya le premier de transformer les plaques daguerriennes en planches propres à la gravure. À l’aide de l’acide chlorhydrique convenablement étendu, il parvenait, en opérant sur une plaque daguerrienne, à attaquer le métal, de manière à obtenir une planche susceptible de fournir des épreuves sur papier, par le tirage en taille-douce.

Il y avait pourtant, dans la nature même d’une telle opération, des conditions qui devaient mettre obstacle à toute réussite. Le mercure, déposé inégalement sur la plaque de Daguerre, y forme une couche d’une ténuité infinie ; le calcul seul peut donner une idée des faibles dimensions de ce voile métallique. Les inégalités de surface que l’acide a pour effet de produire en agissant sur la plaque daguerrienne, ne peuvent donc montrer qu’un très-faible relief, et cette circonstance fait comprendre les défauts que devaient présenter, sous le rapport de la vigueur, les gravures obtenues par ce moyen. D’ailleurs, la mollesse de l’argent limitait extraordinairement le tirage ; on ne pouvait obtenir ainsi plus de quarante ou cinquante épreuves, et la gravure était toujours fort imparfaite.

M. Fizeau réussit à perfectionner ce moyen par trop élémentaire. Voici un aperçu du procédé, assez compliqué, qui fut imaginé par ce physicien, pour la gravure des plaques daguerriennes.

On commence par soumettre la plaque à l’action d’une liqueur légèrement acide, qui attaque l’argent, c’est-à-dire les parties noires de l’image, sans toucher au mercure, qui forme les blancs. On obtient ainsi une planche gravée d’une certaine pureté, mais d’un très-faible creux. Or, la condition essentielle d’une bonne gravure, c’est la profondeur du trait ; car si les creux sont trop légers, les particules d’encre, au moment de l’impression, surpassant en dimension la profondeur du trait, ne peuvent pénétrer dans les creux, et l’épreuve, au tirage, est nécessairement imparfaite. Pour creuser plus avant, M. Fi-