Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/35

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afin d’avoir les sept couleurs primitives. Mais les difficultés qu’il rencontre croissent dans le rapport des modifications que cette même substance doit subir pour pouvoir retenir plusieurs couleurs à la fois ; ce qui le contrarie le plus surtout, et le déroute entièrement, c’est qu’il résulte de ces combinaisons diverses des effets tout opposés. Ainsi, un verre bleu, qui projette sur ladite substance une ombre plus foncée, produit une teinte plus claire que la partie soumise à l’impression directe de la lumière. D’un autre côté, cette fixation des couleurs élémentaires se réduit à des nuances fugitives si faibles qu’on ne les aperçoit point en plein jour ; elles ne sont visibles que dans l’obscurité, et voici pourquoi : La substance en question est de la nature de la pierre de Bologne et du pyrophore ; elle est très-avide de lumière, mais elle ne peut la retenir longtemps, parce que l’action un peu prolongée de ce fluide finit par la décomposer ; aussi M. Daguerre ne prétend point fixer par ce procédé l’image colorée des objets, quand bien même il parviendrait à surmonter tous les obstacles qu’il rencontre : il ne pourrait employer ce moyen que comme intermédiaire. D’après ce qu’il m’a dit, il aurait peu d’espoir de réussir, et ses recherches ne seraient guère autre chose qu’un objet de pure curiosité. Mon procédé lui paraît donc préférable et beaucoup plus satisfaisant à raison des résultats que j’ai obtenus. Il sent combien il serait intéressant pour lui de se procurer des points de vue à l’aide d’un procédé également simple, facile et expéditif. Il désirerait que je fisse quelques expériences avec des verres colorés, afin de savoir si l’impression produite sur ma substance serait la même que sur la sienne. Je viens d’en demander cinq à Chevalier (Vincent), qui en a déjà fait pour M. Daguerre. Celui-ci insiste principalement sur la grande célérité dans la fixation des images ; condition bien essentielle, en effet, et qui doit être le premier objet de mes recherches. Quant au mode d’application à la gravure sur métal, il est loin de le déprécier ; mais comme il serait indispensable de retoucher et de creuser avec le burin, il croit que cette application ne réussirait que très-imparfaitement pour les points de vue. Ce qui lui semble bien préférable pour ce genre de gravure, c’est le verre en employant l’acide fluorique. Il est persuadé que l’encre d’impression appliquée avec soin à la surface corrodée par l’acide, produirait sur un papier blanc l’effet d’une bonne épreuve, et aurait de plus quelque chose d’original qui plairait encore davantage. Le composé chimique de M. Daguerre est une poudre très-fine qui n’adhère point au corps sur lequel on la projette : ce qui nécessite un plan horizontal. Cette poudre au moindre contact de la lumière devient si lumineuse que la chambre noire en est parfaitement éclairée. Ce procédé a la plus grande analogie, autant que je puis me le rappeler, avec le sulfate de baryte ou la pierre de Bologne, qui jouit également de la propriété de retenir certains rayons du prisme…

« Nos places sont retenues pour Calais, et nous partons décidément samedi prochain, à 8 heures du matin. Nous n’avons pas pu les avoir plus tôt ; le voyage du Roi à Calais attire beaucoup de monde de ce côté… Adieu, reçois, ainsi que Génie et votre cher enfant, nos embrassements et l’assurance de notre tendre affection[1]. »

Il paraît résulter de cette lettre que le procédé employé par Daguerre pour fixer l’image de la chambre obscure, consistait à projeter sur la plaque du sulfate de baryte calciné, ou plutôt du sulfure de barium, ou pierre de Bologne, qui devient lumineux par l’exposition à la lumière solaire ou diffuse. Mais comment cette impression était-elle ensuite conservée ? Il est probable que Daguerre n’avait pu y parvenir.

Nicéphore Niépce, en arrivant en Angleterre, trouva son frère assez gravement malade. Ce trop ardent chercheur avait fini par trouver le mouvement perpétuel, ce qui veut dire qu’un travail excessif avait altéré les facultés de son intelligence. À cela se joignait une hydropisie grave.

Nicéphore Niépce passa plusieurs semaines auprès de son frère, puis il repartit pour la France.

Pendant son séjour à Kew, il avait fait la connaissance d’un physicien très-instruit, membre de la Société royale de Londres, sir Francis Bauer, et il lui avait communiqué les résultats de ses travaux héliographiques. Sir Francis Bauer l’engagea à soumettre sa découverte à la Société royale de Londres.

En effet, Niépce rédigea une note sur l’héliographie, dont M. Victor Fouque cite le texte[2], et qu’il serait superflu de reproduire, car on n’y trouve mentionnés que les résultats de la méthode de Niépce, et non ses procédés opératoires.

Ce fut précisément cette absence de des-

  1. Victor Fouque, la Vérité sur l’invention de la photographie, p. 140-144.
  2. Ibidem, p. 149-151.