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Fig. 331. — Coupe du premier canon Armstrong.


vant une nouvelle commission ; ses conclusions furent unanimes en faveur du nouveau système. Nous laisserons ici parler sir Armstrong :

« Pour donner une idée de la précision et de la portée de mes canons, je dirai qu’à la distance de 600 yards (548 mètres), on peut toucher presque à chaque coup un but qui n’est pas plus grand que la bouche d’un canon ; qu’à 3 000 yards (2 742 mètres), une cible de neuf pieds carrés, laquelle, à cette distance, ne présente pour ainsi dire qu’un point blanc à l’horizon, a été atteinte, par un temps calme, jusqu’à cinq fois sur dix coups. Un navire, présentant aux coups une prise beaucoup plus grande, peut être atteint à des distances plus considérables, et les projectiles peuvent être lancés dans une ville ou forteresse, à une portée de plus de cinq milles (4 570 mètres). »

La figure 331 donne une coupe du modèle primitif du canon Armstrong.

L’âme est faite d’un tube d’acier d’une seule pièce ; des manchons, à rubans superposés, la renforcent. Cette pièce se charge par la culasse. Le mécanisme de la fermeture de la culasse est le suivant. À la partie tout à fait postérieure, est une vis creuse, dont le cylindre intérieur est un peu plus grand que l’âme du canon, pour faciliter l’introduction du projectile et de la gargousse. La vis vient appuyer contre une pièce particulière qui la sépare de l’âme, c’est l’obturateur porte-lumière ; on remarque, en effet, sur la figure 331, une lumière coudée, ab, aboutissant à la longue gargousse que contient l’âme du canon.

Le porte-lumière est introduit verticalement par une mortaise spéciale ; son avant est muni d’un rebord en cuivre que la pression de la vis force dans l’âme, pour fermer tout passage aux gaz. Il faut retirer entièrement le porte-lumière pour introduire la charge, et le replacer au moment du tir.

M. Xavier Raymond explique ainsi les inconvénients ou les difficultés de ce système :

« Il restait à résoudre, dit M. Raymond, la partie la plus difficile du problème, c’est-à-dire la construction d’un appareil qui, après avoir permis d’introduire le projectile dans la chambre, permît ensuite de fermer la culasse assez hermétiquement pour que les gaz produits par la conflagration de la poudre ne détruisissent pas la pièce au bout d’un nombre de coups très-restreint. C’était l’écueil où étaient venus échouer jusqu’ici tous les inventeurs de canons à chargement par la culasse. Quand on se rappelle que les accidents arrivés aux lumières par suite de l’action corrosive des gaz, étaient une des causes les plus fréquentes de détérioration dans les anciennes pièces, on doit comprendre facilement combien cette cause a plus de marge pour s’exercer dans une bouche à feu dont l’arrière doit être d’abord tout ouvert pour l’introduction de la charge, et ensuite assez bien fermé pour résister à une pression qui s’élève, dans les gros calibres, jusqu’à des milliers d’atmosphères. Il va de soi qu’en emprisonnant, ne fût-ce que pour un centième de seconde, de pareilles puissances dans un tube de métal, il faut éviter autant que possible d’y laisser aucun interstice, si petit qu’il soit, par où ces puissances puissent chercher à s’échapper. Elles se précipitent en effet avec fureur dans le moindre espace qui reste libre ; le plus léger défaut d’adhérence rigoureuse entre les parties qui composent l’appareil de culasse est pénétré, envahi, fouillé, rongé, par elles, avec une force qui a bientôt mis tout le système hors de service. La difficulté n’a jamais été de faire un canon à chargement par la culasse qui pût tirer quelques coups, mais de produire, comme disent les gens du métier, une obturation assez complète pour que la pièce fût capable de résister