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volutionnait autant la tactique navale que l’art des constructions maritimes flottantes. À ce double point de vue, il importait de les soumettre à des expériences comparatives de navigation. Les bâtiments cuirassés furent donc réunis en escadre.

La première escadre cuirassée qui ait paru sur les mers, navigua du 27 septembre au 16 novembre 1863, sous les ordres de l’amiral Ch. Penaud, pour accomplir une campagne d’essai. Aux bâtiments cuirassés, on adjoignit, comme termes de comparaison, le Napoléon et l’ancien vaisseau le Tourville, renommé pour ses qualités nautiques.

La croisière de cette escadre rencontra les gros temps qu’elle cherchait, et qui lui permirent de rapporter les résultats les plus concluants, quant à la tenue en mer des navires cuirassés. Tous donnèrent pleine satisfaction aux espérances conçues en leur faveur : vitesse supérieure, solidité, qualités nautiques assurées.

« Il résulte des comparaisons que nous avons faites, dit une dépêche de l’amiral Penaud, que le Napoléon a toujours plus tangué que les frégates cuirassées, et que la Couronne a des roulis plus marqués que ceux des autres navires. Quant au Solferino, je lui ai trouvé autant de stabilité qu’à un bon vaisseau à vapeur en bois, et j’ai été étonné du peu de mouvements que l’on y sent dans les temps ordinaires de la navigation, même avec une forte houle de l’arrière. »

Telle est l’histoire de ce que nous appellerons les six bâtiments cuirassés rapides de première création, et qui comprennent la Gloire, la Normandie, l’Invincible, la Couronne, le Magenta et le Solferino. En raison des conditions essentiellement nouvelles apportées à la distribution du poids sur les flancs et dans l’intérieur du navire, les plans de ces divers types n’avaient pu être l’objet de comparaisons préalables avec des bâtiments existants ; il avait fallu, sans aucun précédent, sans aucun essai antérieur, tout décider a priori, et les chances de succès n’avaient reposé que sur la valeur de calculs dont les seules garanties tenaient à de savantes prévisions. M. Dupuy de Lôme, l’illustre ingénieur à qui l’on doit la création de tous ces nouveaux types d’architecture navale, s’est ainsi acquis des droits éternels à la reconnaissance de la France. C’est par ses applications pratiques que la science apprend aux hommes à confesser son empire, à proclamer sa puissance et ses bienfaits.

Après cette navigation de la première escadre cuirassée qui ait sillonné les mers, la marine blindée avait conquis sa place dans le monde. Aujourd’hui le Napoléon est dépassé. Parler en ces termes de ce type parfait, c’est faire le plus bel éloge des nouveaux venus. Et pourtant, telle est à notre époque, la rapidité de la marche du progrès, que dix ans à peine séparent le Napoléon de la Gloire ! Tandis que la flotte à voiles avait mis des siècles à se perfectionner, dix années ont suffi au génie de la France pour créer la marine cuirassée.


CHAPITRE IV

construction des batteries flottantes cuirassées l’arrogante et l’embuscade. — les canonnières cuirassées destinées à la navigation des lacs et des rivières.

Tandis que s’édifiait dans les ports français ce magnifique matériel naval cuirassé, destiné à tenir la haute mer, des batteries flottantes avaient été construites sur divers plans de M. Dupuy de Lôme.

Ce furent d’abord le Paixhans, le Péi-ho, le Palestro, le Saïgon. Ces batteries flottantes avaient été mises en chantier, en 1859, pour concourir à un système de défense des côtes, système préparé, par une commission spéciale, sous la présidence du maréchal Niel. Leur plan apportait aux batteries flottantes de 1854, les améliorations de formes qui étaient indispensables pour leur donner une vitesse de 7 nœuds au lieu de 4, et les doter de la faculté de mieux gouverner. Ces batte-