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pasteur retraité à New-York. Le problème de la reproduction des couleurs par les agents photographiques, avait séduit l’imagination de ce praticien ; il s’occupa quelque temps avec zèle et conscience de recherches sur ce sujet. Mais, comme tant d’autres, il échoua dans cette entreprise. Seulement M. Hill, qui connaît le prix du temps, ne voulut pas avoir perdu son année en essais inutiles, et ne pouvant, avec les résultats de son travail, s’élever à la gloire, il résolut de s’en servir pour arriver à la fortune. Voici comment il y parvint.

Au mois de janvier 1851, un journal de New-York spécialement consacré à la photographie, le Photographic art Journal, annonça que, par de longues et minutieuses recherches, un photographe américain venait de découvrir le moyen de reproduire avec leurs couleurs naturelles, les images de la chambre obscure ; cet heureux inventeur, c’était M. Hill, qui affirmait avoir en sa possession un grand nombre d’épreuves colorées obtenues par le daguerréotype. L’auteur de cet article du journal n’avait pu obtenir encore la faveur d’examiner les épreuves, mais un gentleman honorablement connu dans la ville, et dont il citait le nom, les avait tenues entre ses mains et se portait garant de la découverte.

Cette annonce ayant produit tout l’effet qu’il en attendait, M. Hill expédia à tous les photographes des États-Unis, une circulaire, dans laquelle il promettait de publier prochainement un ouvrage qui fournirait des éclaircissements sur sa découverte. L’auteur ajoutait qu’un exemplaire de ce livre serait envoyé à toutes les personnes qui lui feraient parvenir, avec leur adresse, la somme de cinq dollars (25 francs). Au bas de la circulaire, se trouvait un certificat signé de plusieurs noms, attestant que M. Hill était un respectable ecclésiastique à qui toute confiance pouvait être accordée.

Le volume annoncé ne tarda pas à paraître ; il contenait cent pages d’impression, et pouvait avoir coûté à l’auteur 30 centimes l’exemplaire. Il y a, avons-nous dit, dix mille photographes aux États-Unis, trois mille au moins achetèrent le livre : M. Hill retira donc de sa spéculation environ 14 000 dollars. Il est bien entendu que l’ouvrage ne disait pas un mot de la reproduction des couleurs ; il ne renfermait que quelques descriptions banales des procédés ordinaires du daguerréotype.

Peu de temps après, M. Hill adressait au Photographic art Journal une lettre pour expliquer les motifs qui l’avaient détourné de donner, dans sa brochure, la description de son procédé. Ces raisons étaient sans réplique. Il lui restait à découvrir le moyen de fixer la couleur jaune, et dans l’intérêt de sa découverte, il ne voulait rien publier avant d’avoir terminé son œuvre. Une maladie avait interrompu ses travaux, mais il allait avant peu les reprendre, et publier une nouvelle brochure où ses procédés seraient fidèlement décrits.

La seconde édition annoncée parut au bout d’un mois. Elle coûtait trois dollars, et rapporta à l’auteur la moitié de ce que la première édition avait produit, 35 000 francs environ.

Cependant ce n’était pas tout encore, car bientôt un nouveau livre fut promis, qui devait dévoiler « les quatre grands secrets de l’art photographique. » Prix : cinq dollars. Cette brochure fut aussi discrète que ses aînées sur les procédés chromotypiques de M. Hill. Seulement on lisait l’avis suivant sur la couverture :

« Plusieurs années d’expériences et d’études nous ont amené à la découverte de quelques faits remarquables qui touchent à l’obtention des couleurs naturelles dans la photographie : par exemple, nous pouvons produire le bleu, le rouge, le violet et l’orangé ensemble sur une même plaque. Nous pouvons aussi reproduire un paysage avec ses couleurs parfaitement développées, et cela dans un espace de temps trois fois moindre que pour obtenir une