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taient de beaucoup sur les préparations analogues dont ils faisaient usage dans leurs ateliers. Un contre-maître de calfats déclara le goudron de Winsor bien supérieur aux produits de ce genre d’une autre origine. Un chimiste vint faire savoir que l’ammoniaque, appelée à remplacer le fumier, rendrait un jour à l’agriculture des services immenses. Enfin, les membres de la commission d’enquête ayant demandé à recueillir, sur ces différents sujets, l’avis d’un chimiste spécialement versé dans la connaissance des propriétés du gaz de l’éclairage, Winsor n’hésita pas à désigner, pour remplir cet office, Accum, c’est-à-dire précisément le savant qui jusque-là avait le plus vivement combattu ses idées par ses discours et ses écrits. À l’étonnement général, Accum déclara, en réponse aux questions qui lui furent posées par sir James Hall, président de la commission d’enquête, que le gaz obtenu par Winsor n’avait aucune mauvaise odeur, qu’il brûlait sans fumée ; enfin que le coke, formant le résidu de sa fabrication, était supérieur à tous les autres combustibles.

En dépit de ce concours inattendu de témoignages favorables, le bill d’autorisation fut refusé par la Chambre des communes.

Winsor se tourna aussitôt vers la Chambre des pairs. En 1810, les démarches qui avaient été faites auprès des membres de la Chambre des communes, recommencèrent pour les membres de la Chambre des lords. Elles eurent cette fois un résultat plus heureux, car le bill d’autorisation fut approuvé par la Chambre haute. Dès lors Georges III put délivrer la charte royale qui instituait le privilège de la compagnie du gaz.

En possession de ce privilège, la compagnie fixa son capital à 5 millions. Elle commença alors à entrer d’une manière étendue et régulière, dans l’exploitation de l’éclairage public. Les appareils pour l’épuration et pour la distribution du gaz, les formes les plus convenables pour la disposition des becs, tout ce qui se rattachait directement à la pratique de cette industrie nouvelle fut soumis à des expériences suivies, qui finirent par porter l’ensemble de ses procédés à un état de perfection remarquable. Samuel Clegg, le principal créateur de cette industrie, après William Murdoch, se distingua par plusieurs innovations heureuses, universellement adoptées aujourd’hui.

Pendant que tout cela se passait à Londres, quelques filatures de coton du Lancashire s’éclairaient par le gaz. Tel fut, par exemple, le grand établissement de M. Greenaway, à Manchester. C’est là que Samuel Clegg inventa et mit en usage pour la première fois, le barillet pour la condensation du goudron, appareil qui est resté depuis en usage dans toutes les usines à gaz.

En 1812, Clegg éclaira aussi la filature de coton de MM. Samuel Ashton et frères, à Hyde, près de Stakport, où il introduisit le dépurateur à chaux en poudre humide, moyen d’une efficacité reconnue. Il adopta des cornues cylindriques et parvint à régulariser la pression du gaz dans le gazomètre.

Dans la même année Samuel Clegg éclaira l’établissement d’Ackerman, marchand de tissus dans le Strand, à Londres.

L’éclairage au gaz, qui était alors une nouveauté, excita une surprise générale. On raconte qu’à cette occasion, une dame de haut parage fut si étonnée et si ravie de l’éclat d’une lampe qu’elle voyait fixée sur le comptoir d’un marchand de la Cité de Londres, qu’elle pria de la lui laisser emporter dans sa voiture, offrant de payer le prix qu’on lui demanderait. Cette prétention naïve prouve à quel point la nature du gaz d’éclairage était encore mal comprise à cette époque.

Il importe de remarquer ici que le gaz était préparé alors dans la maison même où il devait être employé, c’est dire qu’il n’y avait pas encore d’usine générale établie pour la fabrication du gaz, et par conséquent aucune canalisation sous le pavé des rues.