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l’on vit alors un vaste courant de flammes s’agiter sur la rivière, et embraser les arbres qui couvraient ses bords.

Décidément l’huile de Seneca valait la peine que l’on s’occupât un peu d’elle !

En 1853, le docteur Brewer eut une idée qui parut alors fort extraordinaire. Il voulut employer à l’éclairage l’huile de Seneca. Jusque-là l’honnête docteur n’avait ordonné qu’à ses malades le liquide nauséabond : il y faisait tremper des linges, dont il enveloppait le patient. Il voulut aller plus loin, et employer cette huile comme agent de lumière. On recueillait une assez grande quantité de cette huile dans un puits appartenant à MM. Watla, à Citersville. Le docteur Brewer fit une provision de ce liquide, et il l’essaya pour l’éclairage. Il se trouva que l’huile, sans avoir reçu aucune purification, donnait une flamme tranquille et brillante, qui ne répandait ni fumée ni odeur.

Le docteur était un homme remuant. En 1854, ayant converti quelques personnes à ses idées, il forma une société pour l’exploitation du pétrole, au capital de 1 500 000 francs. Ce chiffre ne doit pas surprendre d’ailleurs. En Amérique, il suffit de frapper du pied la terre, pour en faire sortir les capitaux, quand il s’agit d’industrie, et dans notre pays, on a trouvé beaucoup d’argent pour des idées tout aussi aventureuses.

L’entreprise tentée par le docteur Brewer, pour la vente du pétrole, échoua complètement. Le pétrole ne trouvant aucun acheteur, les actions de la société n’eurent bientôt plus que la valeur du papier sur lequel elles étaient imprimées.

Néanmoins, un célèbre professeur de chimie, Silliman, analysa le liquide extrait du puits de Citersville, et ses propriétés lui parurent extrêmement précieuses pour l’éclairage. Sur la recommandation de ce savant honorable, la compagnie se décida à continuer les recherches de gisement d’huile minérale dans les profondeurs du sol.

En 1856, elle mit en vente quelques centaines de barils d’huile tirée de Kenhaven, pays voisin de la Virginie. L’huile avait été épurée en suivant la méthode usitée en Angleterre pour la purification du pétrole de Rangoun. Aussi était-elle excellente pour l’éclairage, et trouva-t-elle un bon débit.

Dès ce moment le sens américain flaira une affaire. Des recherches furent faites sur divers points, et bientôt on annonça que les sources de pétrole se rencontraient en assez grand nombre, dans les pays du Nord.

C’est en 1858 qu’eut lieu, dans l’État de Pensylvanie, le véritable coup de théâtre de la découverte des sources jaillissantes d’huile de pétrole. Le lieu où se passa cet événement mémorable, fut une vallée solitaire qu’arrose un petit cours d’eau affluent de l’Alleghany. Ce petit cours d’eau, à peine assez fort pour porter et conduire les trains de bois des bûcherons, à l’époque de la crue des eaux, se nomme aujourd’hui l’Oil-Creek, et la vallée qui l’arrose a pris le même nom.

Quel est le véritable auteur de la découverte accidentelle, faite dans la vallée de l’Oil-Creek, de sources de pétrole jaillissantes et continues ? On n’est pas entièrement d’accord sur cette question. D’après les uns, l’auteur de ce triomphant coup de sonde serait le colonel Drake, envoyé sur les lieux par la société commerciale dont nous venons de parler. D’après d’autres, ce serait un fermier du pays, qui portait également le nom de Drake. Il est facile de mettre les deux opinions d’accord, en admettant que Drake le fermier était l’ancien colonel du même nom.

Quoi qu’il en soit, Drake le fermier-colonel ou le colonel-fermier, avait fait creuser en 1858, dans la vallée de l’Oil-Creek, un puits artésien, profond de 20 mètres environ, pour chercher une source d’eau salée. L’eau qu’il cherchait ne vint pas ; en revanche le pétrole, qui n’était pas attendu, se montra à sa place. Le jet liquide arriva si subitement et avec une telle violence, qu’il faillit noyer les cinq