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À l’entrée des six corps de bâtiments, et vers leur milieu, sont des escaliers tournants, qui font communiquer les divers étages. Les escaliers, X, donnent encore accès dans la cour, et servent à conduire les détenus aux promenoirs, Q.

La disposition de ces promenoirs est assez curieuse. Chacun est formé de deux polygones Q de vingt côtés, concentriques, dont les sommets des angles correspondants sont reliés par des murs en forme de rayons. Vingt espaces sont donc ainsi limités, longs chacun d’une quinzaine de mètres. Le polygone central est occupé par une petite tour, au premier étage de laquelle se tient un gardien, qui peut surveiller à la fois les vingt prisonniers. L’extrémité de chaque espace opposée à la tour, est fermée par une grille à solides barreaux de fer, et légèrement recouverte par un petit toit, sous lequel le détenu peut s’abriter les jours de pluie. À l’extérieur du polygone règne un chemin circulaire asphalté. Un deuxième gardien s’y promène, et inspecte tour à tour les vingt espaces à travers leurs grilles.

Les individus condamnés au régime cellulaire, vivent constamment côte à côte, sans jamais se voir ni se parler. L’heure de la promenade, au grand air, serait la seule où ils pourraient avoir entre eux quelques rapports ; mais on a pourvu à cette éventualité. Quand vient l’heure de la promenade, un gardien ouvre au prisonnier la porte de sa cellule, et lui indique la direction qu’il doit suivre sur le balcon du corridor. À la descente de l’escalier, un second gardien lui montre encore le chemin, et presse sa marche. Un troisième gardien fait le même office dans la cour. Enfin un quatrième introduit le prisonnier dans son promenoir particulier, qui est toujours vide, et en ferme la porte sur lui. Le même procédé est suivi pour faire rentrer le détenu dans sa cellule. Les prisonniers ne sont lâchés que l’un après l’autre, à mesure que le précédent a franchi le détour du corridor qui le dérobe à la vue du suivant.

On se demande combien de temps on peut supporter, sans devenir fou, ce système d’isolement effréné !

Chaque cellule est un carré de 3m,75 de côté et de 3 mètres de hauteur. Elle reçoit le jour par un vasistas percé, le plus haut possible, dans le mur extérieur, et muni de vitres dépolies, ou cannelées, afin que le condamné, même quand il monte sur sa table, ne puisse rien voir de ce qui se passe au dehors. Le vasistas ne peut être ouvert que dans une certaine limite, parce qu’il est retenu par une chaînette de fer.

Tout le mobilier d’une cellule se compose d’une table de bois scellée à la muraille, et d’une chaise de paille attachée à la table. La table est surmontée d’un bec de gaz.

Il n’y a pas de lit. Quand l’heure du coucher est venue, le détenu prend, sur une étagère placée à côté de la porte, un hamac, qu’il suspend au mur, suivant la longueur de la cellule, et il y dispose le reste de la literie. Mais les murs sont à une distance de moins de 2 mètres, et la longueur du hamac, à cause de la place prise par les appareils de suspension, ne s’étend pas même à tout cet espace, de sorte que les individus de taille moyenne, ont déjà peine à s’y caser, et que les hommes de plus haute stature, gênés encore par l’étroitesse du coucher, sont forcés de s’arc-bouter contre les murailles, dans la position la plus pénible.

On voit que le régime cellulaire, malgré sa couleur administrative, est plus cruel que nos anciens cachots ; car, au moins, le prisonnier avait alors un lit ou de la paille, pour étendre dans tous les sens ses membres fatigués. Le matin, à une heure déterminée, le détenu défait le hamac, et le remet en place sur son étagère.

Inutile de dire que la surveillance est si active, qu’une évasion est impossible. Tout autour du bâtiment principal, que nous