Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/368

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mouvement naturel, soit de haut en bas dans la ventilation à chaud, et de bas en haut dans la ventilation à froid[1]. »

Il y a, dans l’histoire de l’art de la ventilation en France, une circonstance bien singulière et qui mérite d’être consignée ici. Ce qui fit réaliser le premier emploi de la ventilation, ce qui en fit, dans l’origine, recommander et adopter l’usage, ce n’est pas l’humanité, c’est l’industrie. Ce n’est pas aux malades des hôpitaux que l’on a songé la première fois pour le renouvellement de l’atmosphère altérée, c’est… aux vers à soie ! L’observation démontra avec évidence l’utilité d’une ventilation active dans les magnaneries, et c’est là qu’elle reçut, au moins en France, sa première réalisation pratique.

La ventilation, employée d’abord dans les magnaneries, dans un but d’intérêt privé, fut réclamée bientôt par nos assemblées délibérantes. La ventilation fut appliquée, pour la première fois, au palais de l’ancienne Chambre des pairs. La nécessité de cette mesure hygiénique n’était, d’ailleurs, que trop réelle. Quand on se plaçait dans la proximité d’un conduit par où se dégageait l’air qui venait de traverser la salle des séances de nos respectables législateurs, on sentait une odeur si méphitique, qu’il était impossible de la supporter plus de quelques secondes. La tige en cuivre d’un paratonnerre passait dans le voisinage de cette partie du bâtiment : on était obligé de la renouveler chaque année, en raison de sa prompte altération par le gaz hydrogène sulfuré contenu dans l’air balayé de la salle.

Après la Chambre des pairs, ce fut à la Chambre des députés, ensuite au Conseil d’État que l’on appliqua les appareils de ventilation.

Vinrent ensuite les théâtres.

Après les théâtres on s’occupa des prisonniers : dans les nouvelles prisons cellulaires, on s’empressa d’établir un système complet de ventilation.

Les hôpitaux ne vinrent qu’après les prisons !

Ainsi, ce n’est qu’après avoir pourvu à la salubrité des condamnés que l’on se préoccupa de celle des malades. Cet ordre de succession est assez singulier pour qu’on le note et le relève en passant. Sans doute, les améliorations dont il s’agit étaient excellentes en principe, et dans les deux cas ; mais il nous semble que, dans une question de philanthropie, les honnêtes gens malades auraient dû passer avant les coupables bien portants.

L’art de la ventilation fit ensuite des progrès importants en Angleterre. C’est à la Chambre des communes et à la Chambre des lords qu’on applique d’abord la ventilation. En 1856, le Parlement anglais vota des fonds considérables pour l’étude approfondie de la ventilation. Deux rapports très-remarquables furent publiés l’un en 1857[2], l’autre en 1861[3]. Le premier concerne la ventilation des maisons particulières, le second a trait à l’assainissement des hôpitaux et des casernes.

Nous ne devons pas oublier de mentionner parmi les savants qui ont contribué le plus aux progrès et à la vulgarisation de la ventilation dans les édifices publics, M. le général Morin, membre de l’Institut, directeur du Conservatoire des arts et métiers de Paris. Par ses études scientifiques, par la part considérable qu’il a prise à l’assainissement d’un grand nombre d’établissements publics, hôpitaux, casernes, églises, théâtres, etc., enfin par l’important ouvrage qu’on lui doit[4], M. le général Morin a attaché son nom avec

  1. Félix Achard, la Réforme des hôpitaux par la ventilation renversée, brochure in-8. Paris, 1865.
  2. Fairbairn, Glaisher and Wheatstone, Report of the Commission appointed by the House of commons to inquire into the best practical Method of Warming and Ventilating dwelling-houses. London, in-fol.
  3. John Sutherland, Barrel and Douglas Galton, General Report of the Commission appointed for improving the Sanitary condition of Barracks and Hospitals. London, 3 vol. in-fol.
  4. Études sur la ventilation. Paris, 1863, 2 vol. in-8.