Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/534

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion



tradition, cette source jaillissante serait due à la puissante intervention de l’ange Gabriel, qui aurait ainsi apaisé la soif d’Agar et d’Ismaël errants dans le désert. Comblé et ignoré durant une longue suite de siècles, ce puits célèbre fut remis au jour par le grand-père de Mahomet, et c’est probablement à cette circonstance qu’il faut attribuer l’auréole de sainteté dont il est entouré.

Un de nos compatriotes, M. Ayme, directeur général des établissements métallurgiques du pacha d’Égypte, entreprit, vers 1850, de remettre en état les puits jaillissants qui avaient été construits dans les temps bibliques, et qui sont aujourd’hui obstrués par les sables. Nous empruntons à l’excellent ouvrage de MM. Degousée et Ch. Laurent, le Guide du sondeur, un fragment intéressant d’une lettre écrite à l’auteur de cet ouvrage, par M. Ayme :

« Les deux oasis de Thèbes et de Gharb sont, on peut s’exprimer ainsi, criblées de puits artésiens ; j’en ai nettoyé plusieurs : j’ai bien réussi, mais les dépenses sont grandes, par suite des quantités de bois dont il faut garnir toutes les ouvertures d’en haut, qui sont d’un carré de 6 à 10 pieds, pour éviter les éboulements. Ces ouvertures ont de 60 à 75 pieds de profondeur ; à ladite profondeur, on rencontre une roche calcaire sous laquelle se trouve une masse d’eau ou courant qui serait capable d’inonder les oasis, si les anciens Égyptiens n’avaient établi des soupapes de sûreté en pierre dure, de la forme d’une poire, armée d’un anneau en fer, pour avoir la facilité de la faire entrer et de la retirer au besoin de l’algue de la fontaine. L’algue, ainsi appelée par les Arabes, est le trou pratiqué dans le rocher calcaire, qui, suivant la quantité d’eau que l’on veut rendre ascendante, a de 4, 5 et jusqu’à 8 pouces de diamètre. »

M. Ayme a constaté que les anciens Orientaux s’y prenaient de la manière suivante, pour faire jaillir la nappe souterraine à la surface du sol.

Ils creusaient un puits carré, descendant jusqu’à une roche calcaire qui recouvre la masse d’eau souterraine ; puis ils le garnissaient d’un solide revêtement en planches, destiné à maintenir les terres. Ce travail, exécuté à sec, se faisait assez facilement. On procédait ensuite à la perforation de la roche, soit au moyen de tiges de fer, soit à l’aide d’un gros bloc de même métal, attaché à une corde glissant sur une poulie. Cette dernière partie du conduit mesurait ordinairement de 300 à 400 pieds. On atteignait ainsi la nappe souterraine, qui, dans les cas dont il s’agit, se trouve être un véritable cours d’eau ; car on y rencontre du sable semblable à celui du Nil, et l’un des puits nettoyés par M. Ayme lui a fourni du poisson parfaitement mangeable.

L’écueil du système que nous venons de décrire, c’est que le revêtement intérieur du puits exécuté en bois, ne tardait pas à se pourrir, et que les terres latérales, faisant irruption, empêchaient bientôt l’arrivée de l’eau. C’est ainsi que se sont comblées la plupart des anciennes fontaines du désert africain. C’est de la même manière que se tarissent celles qui sont creusées par les Arabes, dans le Sahara algérien, à l’aide de procédés analogues, et sur lesquels nous appellerons l’attention du lecteur, dans l’un des chapitres qui termineront cette Notice.

M. Ayme a complétement transformé la partie de l’Égypte soumise à son administration. Les puits jaillissants qu’il a créés ou ressuscités, — c’est le mot vrai, — sont devenus autant de centres de population, dans lesquels le nom français jouit d’un haut prestige.

On dit communément que les puits artésiens étaient connus en Chine de temps immémorial, et que, sous ce rapport, comme sous bien d’autres, les habitants du Céleste Empire nous ont considérablement devancés. Cette assertion mérite d’être examinée avec soin.

C’est dans un Voyage pittoresque, publié à Amsterdam, vers les dernières années du xviie siècle, qu’on trouve la première mention des procédés de forage employés par les Chinois. On lit dans cet ouvrage :