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sont de taille moyenne. Au contraire, celles que fournit la pêche de la côte de Barbarie, sont de fortes dimensions et d’un tissu fin. Elles sont très-recherchées par l’Angleterre.

Si, partant du golfe de la Syrte, c’est-à-dire des côtes orientales de la Tunisie, on se dirige en suivant les côtes d’Afrique, vers Alexandrie, que de là on remonte les côtes de Syrie, pour contourner celles de l’Asie Mineure ; si l’on parcourt encore les côtes des îles et de la Grèce baignées par la mer de l’Archipel et celles de Candie et de Chypre, on aura figuré l’immense développement des parages où s’exerce l’industrie du plongeur d’éponges.

Nous trouvons dans un mémoire rédigé à Rhodes, par M. P. Aublé, des détails très-intéressants sur l’industrie de la pêche des éponges qui est mise en pratique par les habitants des îles de l’Archipel ottoman.

« Les îles de l’Archipel ottoman qui s’occupent de la pêche des éponges, dit M. P. Aublé, sont : Calimnos, Symi, Karki, Psara, Rhodes, Lero et Stampalie. Calimnos, Symi et Karki plus spécialement que toutes les autres ; ce sont les trois points importants de cette industrie.

« Au mois d’avril, les pêcheurs commencent à s’apprêter pour le départ ; déjà, vers la fin du mois de mars, les équipages se forment ; chaque capitaine choisit son monde et fait ses conventions.

« En général, les barques sont montées par sept hommes chacune, quelquefois par huit. Sur ce nombre, il y a quatre plongeurs qui se partagent le produit de la pêche ; les autres sont des manœuvres qui reçoivent de 280 à 350 francs l’un, pour toute la durée de la campagne, outre la nourriture qui leur est fournie.

« C’est surtout à cette époque que les plongeurs demandent de l’argent, des vivres, des vêtements à leurs patrons. Ils doivent en effet faire des provisions pour trois à quatre mois, laisser quelque argent à leur famille, en prendre pour eux-mêmes, pour parer aux nécessités d’une longue absence. Avec ce qu’ils doivent déjà, c’est une affaire de 15 à 20 mille piastres (3 500 à 4 000 fr.) par barque en moyenne.

« Quand enfin ils sont parés, un beau matin, à l’aurore, ils partent, rarement seuls, presque toujours en compagnie de quatre ou cinq barques. Puis, avant de prendre leur direction définitive, ils vont à quelque monastère renommé, faire leurs vœux et leurs prières pour que leur pêche soit heureuse.

« Vers le milieu du mois de mai, tous les bateaux de pêche sont loin, et les îles ne sont plus habitées que par les femmes, les jeunes enfants, les vieillards et quelques malades. C’est d’une solitude affreuse au milieu d’une sécheresse horrible.

« La construction toute spéciale de ces barques qui peuvent porter six à sept tonneaux, leur permet de se rendre à des points très-éloignés. Elles ont, en effet, avec une voilure énorme, de grandes qualités nautiques ; elles vont vite, serrent bien le vent et tiennent admirablement la mer. Aussi il est très-rare qu’elles se perdent en mer, à ce point qu’on peut dire que cela n’arrive jamais. Elles sont d’une construction semblable à celle du fameux schoner américain « America, » vainqueur dans toutes les courses mémorables qu’il a engagées. — Il est curieux de rencontrer une construction aussi habile dans des îles où l’on travaille par routine, à vue d’œil, sans aucune notion précise de l’art des constructions navales et de la voir correspondre au résultat le plus parfait d’études, d’essais faits par des navigateurs renommés les plus capables d’entre tous.

« Les meilleures barques vont exploiter la côte d’Afrique depuis le golfe de la grande Syrte jusqu’aux abords d’Alexandrie d’Égypte et sur cette étendue deux points principaux : Benghazy et Mandrouka.

« Pour s’y rendre, elles passent d’abord à Candie, et, de là, traversent jusqu’en Afrique ; elles tombent ainsi exactement sur Mandrouka. Pour aller jusqu’à Benghazy, il ne leur convient point de côtoyer l’immense étendue des côtes qui séparent ces deux points ; le plus souvent elles y sont portées par de gros navires qui les ramènent également à la fin de la pêche. Dans ces parages où les Arabes leur donnent la chasse quand ils s’aventurent sur terre, le navire est leur point de ralliement. Les barques lui payent un droit de 20 pour 100 sur leur pêche, à charge par lui de payer les frais de navigation et les droits de pêche.

« Il n’y a guère que vingt ans que l’on a découvert et commencé à exploiter le banc de Mandrouka, D’autres barques vont à Chypre ; un beaucoup plus grand nombre s’y rendraient sans les fièvres et les maladies qui y règnent et qui en éloignent les plongeurs.

« Les côtes de Candie sont exploitées plus spécialement par les pêcheurs de Karki ; toutes les barques de cette île, à part cinq ou six, vont là. Il est encore des barques qui se rendent sur la côte de Caramanie et de Syrie jusqu’à Alexandrette. Les barques de Château-Rouge exploitent de préférence ces côtes où d’ailleurs, leur île fait le commerce des bois qu’elle envoie à Alexandrie.

« Les côtes d’Afrique, Benghazy, Mandrouka, sont visitées plus spécialement par les Calimniotes et les Symiotes qui ont assez de barques pour en envoyer à presque tous les lieux de pêche.

« Enfin, un nombre assez considérable se rend dans