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jamais observé lui-même, il a pu dire aux astronomes : « À tel jour, à telle heure, braquez vos télescopes vers telle région du ciel, vous apercevrez une planète nouvelle. Aucun œil humain ne l’a encore aperçue, mais je la vois avec les yeux infaillibles du calcul. » Et l’astre fut reconnu précisément à la place indiquée par cette prophétie extraordinaire. Voilà ce qui fait la grandeur et l’originalité admirable de cette découverte positivement unique dans l’histoire des sciences.

Mais ce n’est pas seulement comme un moyen de grandir aux yeux du monde l’autorité des sciences, que la découverte de M. Le Verrier se recommande à notre attention. Elle est appelée à exercer sur l’avenir de l’astronomie une influence positive, et nous nous attacherons à faire comprendre la direction particulière qu’elle doit imprimer à ses travaux. Personne n’ignore, d’ailleurs, que la découverte de notre compatriote a soulevé en Angleterre une discussion assez vive de priorité. La publication du travail original de l’astronome anglais a permis de résoudre cette question d’internationalité scientifique, qui a sérieusement occupé les savants des deux côtés du détroit.

Ajoutons, enfin, qu’il n’est pas hors de propos d’examiner et de réduire à leur juste valeur certaines critiques que le travail de M. Le Verrier a provoquées parmi nous. Il est si facile, en ces matières, de surprendre et d’égarer l’opinion publique, que, sur la foi des petits journaux, bien des personnes s’imaginent aujourd’hui que la découverte de M. Le Verrier s’est évanouie entre ses mains, et que sa planète a disparu du ciel. On est presque honteux d’avoir de telles présomptions à combattre ; cependant il importe à l’honneur scientifique de notre pays de couper court sans retard à une erreur si grossière. L’histoire de cette découverte et des moyens qui ont servi à l’accomplir suffira à rétablir là vérité.


CHAPITRE PREMIER

histoire de la découverte de la planète neptune.

L’observation attentive du ciel fait reconnaître l’existence de deux sortes d’astres. Les uns, en multitude innombrable, sont invariablement fixés à la voûte céleste, et conservent entre eux des relations constantes de position, ce sont les étoiles ; les autres, en très-petit nombre, se montrent toujours errants dans le ciel, ce sont les planètes. Le déplacement n’est pas le seul moyen qui permette de distinguer les planètes des étoiles. En général, les planètes se reconnaissent à une lumière, quelquefois moins vive, mais tranquille et non vacillante ; elles ne scintillent pas comme les étoiles ; enfin, à l’aide des instruments, on leur reconnaît un disque ou un diamètre sensible, tandis que les étoiles ne se présentent dans nos lunettes que comme des points sans dimension appréciable.

On compte aujourd’hui environ cinquante planètes. Cinq ont été connues de toute antiquité ; ce sont Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Les autres ne peuvent s’apercevoir qu’à l’aide du télescope ; aussi leur découverte est-elle postérieure à l’époque de la construction et du perfectionnement des instruments d’optique. Lorsque William Herschell eut construit, à la fin du xviiie siècle, ses gigantesques télescopes, il put pénétrer dans l’espace à des profondeurs jusque-là inaccessibles aux yeux des hommes ; la première découverte importante qu’il réalisa par ce moyen fut celle de la planète Uranus.

Le 13 mars 1781, Herschell étudiait les étoiles des Gémeaux, lorsqu’il remarqua que l’une des étoiles de cette constellation, moins brillante que ses voisines, paraissait offrir un diamètre sensible. Deux jours après l’astre avait changé de place. Herschell ne s’arrêta pas d’abord à l’idée que cet astre nouveau pourrait être une planète ; il le prit simplement pour une comète, et il l’annonça sous