Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/84

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d’huile de palme. Tous ces produits, qui sont à bas prix dans le commerce, si on les soumettait au procédé ordinaire de saponification par la chaux, ne donneraient que de fort mauvais résultats. L’huile de palme même ne saurait par aucun moyen être avantageusement traitée par la saponification calcaire. La découverte d’un procédé spécial pour le traitement de ces diverses matières grasses, et pour leur conversion en acides gras, était donc d’une haute importance pour l’industrie stéarique. C’est ce résultat que permet d’atteindre l’emploi du procédé désigné sous le nom de distillation. Traités par cette méthode, les produits les plus altérés, les graisses les plus rances, les résidus noirs et impurs des fabriques, enfin l’huile de palme, fournissent des acides concrets, qui ne diffèrent en rien de ceux que donne le suif soumis à la saponification calcaire.

Les brevets pris en France pour la préparation des acides gras par la distillation, étant tombés depuis l’année 1856, dans le domaine public, tous nos fabricants sont en libre possession de ce procédé, et partout on le met en pratique. Il sera donc nécessaire de l’exposer ici avec quelques détails. Comme la question de priorité dans l’invention de cette méthode a fait naître beaucoup de discussions, et soulevé des contestations de toute nature, nous essaierons, en même temps, de fixer, avec toute impartialité, les titres qui nous semblent revenir à chacun dans sa découverte et dans son application pratique.

Pour plus de clarté, nous commencerons par établir en quoi consiste la méthode de préparation des acides gras par la distillation, ou plutôt par l’action réunie de l’acide sulfurique et de la distillation.

Si l’on traite les corps gras par 6 à 15 pour 100 de leur poids, d’acide sulfurique concentré, et que l’on élève, à l’aide de la vapeur, la température du mélange, on produit, par l’action chimique de l’acide sulfurique, le même effet auquel les alcalis donnent naissance en réagissant sur les graisses, c’est-à-dire qu’on saponifie ces graisses. L’acide sulfurique peut provoquer à lui seul, et sans le concours d’une base, le dédoublement d’un corps gras en glycérine et en acides gras. Seulement, tandis que, dans la saponification par les alcalis, la glycérine reste libre et inaltérée, ici elle est détruite. Mais cette dernière circonstance ne peut être d’aucune influence sur le résultat de la fabrication, car la glycérine, dans les manufactures d’acides gras, est un produit sans importance, du moins jusqu’à ce jour ; on ne se donne pas la peine de la recueillir, on la rejette avec les eaux qui proviennent de la saponification, où elle se trouve à l’état de dissolution. Ainsi, l’emploi de l’acide sulfurique permet de saponifier les matières grasses sans recourir à aucune base alcaline, comme la soude, la potasse ou la chaux.

Cette curieuse action de l’acide sulfurique sur les corps gras, a été étudiée de nos jours par l’un de nos meilleurs chimistes, M. Frémy, qui, dans un mémoire remarquable, publié en 1836, démontra que l’action des acides puissants sur les matières grasses, et en particulier celle de l’acide sulfurique, présente la plus grande analogie avec celle des alcalis.

La connaissance du fait général de la saponification des corps gras par l’acide sulfurique, est pourtant beaucoup plus ancienne qu’on ne le croit ; elle remonte à l’année 1777. Achard, de l’Académie de Berlin, Cornette et Molluet de Souhey, ont étudié et décrit sous le nom de savons acides le produit qui résulte de l’action de l’acide sulfurique sur les graisses, produit qui est formé d’acides gras, mais dont la véritable nature était nécessairement ignorée à la fin du dernier siècle.

On trouve dans le Dictionnaire de chimie de Macquer, à l’article Savons acides, l’analyse des travaux d’Achard, de Berlin, sur la saponification par l’acide sulfurique. La cita-