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CHAPITRE PREMIER

substitution de l’hélice, comme agent propulseur, aux roues à aubes. — avantages de cette substitution. — exceptions et réserves.

La première et la plus importante des modifications qu’ont reçues, dans ces derniers temps, les navires à vapeur, est sans contredit l’abandon des roues à aubes, comme propulseur, et leur remplacement par l’hélice.

La substitution générale de l’hélice aux roues est pleinement justifiée par les considérations suivantes :

1o Les roues ont le grave défaut d’absorber, par le recul, une grande quantité de la force motrice. Cette perte de force peut s’élever à 30 pour 100 de la puissance transmise aux roues, et elle n’est jamais inférieure à 15 pour 100.

2o Les roues, avec les vastes tambours qui les protègent, sont exposées aux coups de mer, et courent le risque, par les gros temps, de graves et fréquentes avaries. Elles offrent au vent une prise considérable, et nuisent à la marche, particulièrement quand le vent est debout. Sur les navires de guerre, les roues sont à la merci de l’artillerie ennemie, qui peut, en quelques coups de canon, les réduire à l’impuissance.

3o Les efforts de torsion sur l’arbre moteur sont inégalement répartis, lorsque, par suite du roulis, une des roues vient à émerger, souvent entièrement, alors que l’autre est noyée jusqu’au moyeu.

4o Les machines à vapeur qui actionnent les roues motrices sont lourdes et encombrantes, en raison des grandes dimensions que la faible vitesse du propulseur oblige à leur donner. Le poids des premières machines à vapeur à balancier s’élevait jusqu’à 240 kilogrammes par cheval-vapeur. Cette lenteur de mouvements, en empêchant d’appliquer les grandes détentes, rendait les machines à vapeur dispendieuses ; elle forçait à employer de vastes chaudières, et à embarquer une provision considérable de charbon.

Ajoutons que le poids propre du propulseur et des tambours, pour de grands navires, devenait énorme ; car l’utilisation de la force développée par la machine n’est satisfaisante qu’à la condition que le diamètre des roues et la largeur des aubes soient aussi grands que possible.

On comprend, d’après cet exposé, que les roues aient fini par être abandonnées, et que nos ingénieurs de marine adoptent unanimement aujourd’hui l’hélice pour tous les grands navires.

Avec l’hélice, en effet, tous les défauts qui viennent d’être énumérés n’existent pas, ou sont, tout au moins, fort atténués.

L’hélice, étant complètement immergée, est soustraite aux coups de mer et aux boulets, en même temps qu’elle est préservée des effets du roulis. Elle ne souffre pas, comme les roues, d’un excès d’immersion. Les machines à vapeur qui l’actionnent sont plus légères et moins encombrantes ; elles ne dépassent guère le poids de 120 kilogrammes par cheval-vapeur. Enfin, les grandes détentes de la vapeur sont applicables à ces machines ; d’où résulte une économie sur le poids des chaudières, qui se font plus petites, et sur le charbon, qui est consommé en très faible quantité.

L’hélice ne gêne pas la marche à la voile, comme le font les roues, et elle rend le gouvernail plus sensible.

L’adoption du condenseur à surface dans la machine à vapeur marine ayant permis de faire usage d’eau douce, pour l’alimentation de la chaudière, et par suite de marcher à très haute pression, a également contribué à diminuer les dimensions de l’appareil moteur, et à réduire la consommation du charbon.

Tous ces perfectionnements ont permis