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étrave, et à l’arrière, par une autre pièce également verticale, que l’on nomme étambot, forment, avec les barrots, les carlingues et les varangues, l’ossature du bâtiment. Ils constituent son squelette, pendant la construction, et servent de point d’appui au bordé et à toutes les autres pièces du navire.

Jusqu’à l’introduction de la vapeur comme agent moteur, le mode de construction des navires avait peu varié. Le bois était seul employé, et un bâtiment se composait essentiellement : 1o de couples, formés de deux plans de bois croisant leurs jonctions, appelées écarts, et chevillés l’un sur l’autre ; 2o d’un bordé, ordinairement en bois de chêne, chevillé sur les couples ; et 3o de barrots, recevant les ponts et reliés aux couples par des courbes en bois.

Certes, ces procédés ont fourni de magnifiques spécimens d’architecture navale ; mais ils avaient contre eux deux ennemis invincibles : la déliaison des pièces et la pourriture du bois.

Sans doute, une pièce de bois est, comme on l’a prouvé depuis longtemps, plus résistante, à poids égal, qu’une pièce de fer, mais elle a le défaut grave de ne pouvoir se réunir à d’autres, d’une façon invariable. Le chevillage ne résiste pas au cisaillement, et il est inefficace pour empêcher les pièces de tourner. Les trous de chevilles s’agrandissent, sous l’influence du mouvement des pièces ; et au bout de quelque temps, tout l’ensemble ne présente plus une cohésion suffisante pour résister aux efforts de la mer et aux fractures qu’il a subies.

Le bois de chêne, qui résiste si bien à l’action de l’air ou de l’eau, s’altère par l’effet de l’air humide et confiné, lequel existe dans les caissons appelés mailles, formés par les couples et le vaigrage ou enveloppe intérieure, et où l’air ne peut se renouveler suffisamment.

Il a donc fallu chercher un mode de construction des navires qui offrît plus de résistance que le bois. Le fer est venu fournir la matière première des constructions navales.

Les coques de navire entièrement en fer datent de l’année 1845 environ. Elles se répandirent en France, grâce à l’initiative de Dupuy de Lôme, alors simple sous-ingénieur de la marine à Toulon, et qui avait été chargé d’aller étudier en Angleterre les procédés de construction des navires en fer, en usage dès cette époque dans les chantiers de Liverpool et de Glasgow.

Une coque en fer, grâce à la solidité des assemblages de toutes ses parties, ne redoute pas la déliaison ; elle n’a à craindre que la mauvaise qualité du fer, ou l’imperfection de la mise en œuvre.

Le fer a permis d’entreprendre la construction de bâtiments qu’il eût été impossible de faire autrement.

Les premiers navires de fer furent construits selon les dispositions suivies pour les coques en bois. Le bordé, sur un navire en fer, est une enveloppe extérieure unique ; les couples sont formés par deux cornières adossées, dont la section donne un Z. Il n’y a pas de varangue, mais seulement des lambris, au droit des logements, pour les défendre des variations de température. Ce procédé est encore le plus employé pour la construction des navires de dimension moyenne.

Sur les très grands navires, on adopte le système longitudinal, c’est-à-dire que sur les bordages du fond on applique, à l’intérieur, des lisses en fer, appelées carlingues intercostales, dont le plat est horizontal, et constitue une série de carlingues latérales, interrompant la membrure. À l’intérieur, toutes ces pièces sont recouvertes d’un second bordé ; ce qui les ramène au simple rôle d’entretoises, les deux bordés travaillant ensemble.

Ce système fut appliqué pour la première fois dans la construction du Great Eastern.