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La Champagne, comme la Bretagne, la Bourgogne, et la Gascogne, a 155 mètres de long, 16 mètres de large et 12 mètres de creux. Le tonnage brut est de 6 800 tonnes, le déplacement de 9 930 tonnes, le tirant d’eau en charge, de 7m,30. Ces navires sont à avant droit, avec 4 ponts, entièrement bordés en acier, recouverts de teack (bois des îles). Ils sont munis d’une quille saillante, de 0m,30 de hauteur. Le bordé est à clins, et formé de virures en acier, d’une épaisseur moyenne de 20 millimètres. Une série de fortes carlingues, dont la principale placée dans l’axe atteint 1m,40 de hauteur, assurent la solidité des fonds.

En outre des quatre ponts bordés en acier, il existe deux autres ponts, le pont-promenade, et celui des émigrants, qui ne sont bordés qu’en bois (teack et pitch-pine). Onze cloisons étanches divisent le bâtiment. Huit de ces cloisons montent jusqu’au pont supérieur ; elles sont munies de vannes, ou portes étanches.

Ces cloisons étanches rendirent de grands services, dans le fâcheux accident de mer survenu le 9 mai 1887, à la Champagne. Ce paquebot, quittant le Havre, porteur de 800 émigrants et de 100 passagers, fut abordé, par suite du brouillard, par un navire de la compagnie des Chargeurs-Réunis, la Ville de Rio-Janeiro. La Ville de Rio-Janeiro fut coulée par ce redoutable choc, mais ce ne fut pas sans faire subir de graves avaries à la Champagne. Une énorme ouverture fut pratiquée à sa coque, à 2 mètres au-dessous de la flottaison. L’eau s’engouffrait dans le navire, et sans les cloisons dont nous parlons, la Champagne aurait coulé, comme la Ville de Rio. Elle fut préservée par les cloisons vides qui, en se remplissant d’eau, donnèrent le temps au capitaine de jeter le navire sur la côte, près d’Arromanches, et de l’échouer, sauvant ainsi le navire et l’équipage. Plusieurs émigrants, toutefois, périrent, par suite de leur imprudent affolement, qui les porta à s’emparer de vive force d’une chaloupe, et à s’y précipiter. Mais ces malheureux trouvèrent la mort, au lieu du salut qu’ils cherchaient. Quelques jours après la Champagne rentrait au Havre, où elle était, en peu de jours, mise en état de reprendre la mer.

Revenons à la description de ce navire.

Les water-balast W, c’est-à-dire les réservoirs d’eau servant de lest, peuvent contenir 800 tonnes d’eau. Ceux qui sont placés à l’avant et à l’arrière, plus haut que le plancher de la cale, servent à faire varier la différence entre le tirant d’eau à l’avant et celui de l’arrière. Cette dernière manœuvre est indispensable pour permettre au navire d’entrer dans les passes du Havre et d’en sortir, comme aussi de franchir certains hauts fonds de la rade de New-York.

Le pont est préservé des coups de mer venant de l’avant, par une teugue A, recouverte d’un dos de tortue, en acier.

La mâture est celle d’une goélette à quatre mâts, avec les deux premiers mâts gréés de voiles carrées. Les mâts sont à pible. Il n’existe pas de hunes, et les huniers, du système Cunningham, se manœuvrent du pont. La voilure développe une surface de 1 880 mètres carrés.

Les bossoirs sont remplacés par une grue, de 6 tonnes, placée à l’avant.

Chaque ancre, qui est du système Trottmann, pèse 3 600 kilogrammes. La manœuvre des ancres au démouillage se fait par un guindeau à vapeur, et par deux cabestans, mus, soit à bras, soit à la vapeur.

Le gouvernail est commandé par un servo-moteur, placé sous la dunette B, et contrôlé de la passerelle. Il existe, en outre, un appareil directeur à 4 roues, également abrité sous la dunette.

La ventilation, parfaitement étudiée, se fait au moyen d’appels d’air, produits par des manches à vent, et des puits placés par le travers des chaufferies. On a renoncé aux