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CHAPITRE PREMIER

les anciennes chaudières à bouilleurs, leurs inconvénients. — les nouvelles chaudières multitubulaires. — la chaudière inexplosible belleville. — la chaudière collet. — la chaudière de naeyer. — la chaudière babcock et wilcox.

Pendant très longtemps, on a employé uniquement, pour produire la vapeur destinée à actionner les machines motrices à vapeur, les chaudières à bouilleurs, que nous avons décrites dans les Merveilles de la science[1], avec tous leurs accessoires : soupape de sûreté, manomètre, sifflet d’alarme, indicateur du niveau d’eau, flotteur, etc.

Ces chaudières donnaient un assez bon rendement : environ 70 pour 100 de la chaleur dégagée par le combustible étaient utilisés. Mais, outre leur inconvénient d’être très encombrantes, et d’exiger de très gros massifs de maçonnerie, avec de solides fondations, elles présentaient l’énorme défaut de donner lieu à des explosions excessivement dangereuses.

Si une explosion vient à se produire, par défaut d’alimentation d’eau, ou par toute autre cause accidentelle, sa gravité doit être proportionnelle au volume de l’eau que contient la chaudière ; car au moment où l’accident se produit, toute cette masse d’eau surchauffée se transforme instantanément en vapeur, ce qui amène les désastres effroyables que l’on connaît.

Les conséquences des explosions de chaudières à vapeur sont telles qu’il suffit, pour les apprécier, de laisser la parole aux chiffres.

Un savant anglais, M. Edward Marten, ingénieur en chef de la Midland Company, pour l’inspection des chaudières à vapeur, cite, dans un ouvrage paru en 1866, 1 046 explosions de chaudières à vapeur qui ont tué, dit-il, « 4 076 personnes et en ont blessé 2 603 ».

Une deuxième statistique du même auteur, faisant suite à la précédente, et relative aux explosions survenues en Angleterre de 1866 à 1876, donne le résultat de 622 explosions de chaudières à bouilleurs, ayant tué 776 personnes, et en ayant blessé 1 303.

Nous n’avons pas sous les yeux de statistiques anglaises plus récentes. Nous relevons, toutefois, dans l’Enginneering du 21 mars 1880, le récit d’une explosion de chaudière aux forges de Walsall (Angleterre), qui tua sur le coup 25 ouvriers, et en blessa grièvement trente autres.

En France, d’après les statistiques publiées au Journal officiel, les explosions survenues de 1868 à 1880 sont au nombre de 269, ayant occasionné 319 tués et 378 blessés. En 1883, il y a eu 17 explosions, qui ont occasionné la mort de 40 personnes et en ont blessé 20.

C’est pour éviter ces tristes conséquences que l’on a été conduit à abandonner, dans un grand nombre d’usines, les chaudières à bouilleurs, et à reprendre l’idée des chaudières multitubulaires, dont un constructeur anglais, Perkins, avait doté l’industrie, vers 1820, et que Marc Seguin imita ou, pour parler plus exactement, renversa, lorsqu’il construisit cette admirable chaudière tubulaire qui amena toute une révolution dans l’industrie, en permettant la création de la locomotive.

Dans la chaudière Perkins, l’eau remplit les tubes, et le feu est à l’extérieur. Au contraire, dans la chaudière tubulaire que Marc Seguin appliqua aux locomotives, alors en voie de création, l’eau est à l’extérieur des tubes, et les tubes livrent passage au gaz et à la fumée du foyer. Ces deux systèmes sont donc le contre-pied, l’opposé l’un de l’autre ; ce qui n’empêche pas qu’ils ne soient excellents tous les

  1. Tome I, pages 114-125.