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ces circonstances, la marche ascendante ou descendante est régulière et lente, et rien n’est plus aisé que de donner à la pièce telle inclinaison que l’on voudra.

Le résultat ainsi obtenu est capital, car devant l’ennemi bien imprudent qui gaspille ses munitions, il ne faut tirer qu’à peu près à coup sûr. L’artilleur est donc forcé de modifier incessamment l’angle de son tir, selon que l’adversaire qui lui tient lieu de but se rapproche ou s’éloigne.

Chaque pièce de 90 est servie par six canonniers. On en compte huit pour les pièces de 80, parce que deux canonniers sont chargés de tenir les chevaux de leurs camarades.

La charge se fait en quatre temps. Au commandement : En action, le second servant de droite s’empare du levier de pointage et dirige la pièce à peu près vers le but ; le premier servant de gauche ouvre la culasse, et s’assure que l’obturateur est en bon état. Au commandement : chargez ! le premier servant de gauche introduit dans la culasse successivement l’obus et la gargousse ; le premier servant de gauche referme ensuite la culasse. Au commandement : pointez ! le premier servant de gauche pointe la pièce, à l’aide de la hausse. Au commandement : feu ! le premier servant de droite met le feu à la charge, au moyen de l’étoupille.

Ces mouvements, que nous avons tenu à reproduire ici sommairement, ne s’exécutent en si bel ordre que sur le terrain de manœuvres. Il arrive fréquemment, sur le champ de bataille, qu’une pièce soit desservie par deux ou trois hommes, leurs camarades ayant été tués ou blessés. Mais il est indispensable que les artilleurs soient absolument rompus, en temps de paix, avec les détails de la charge. Les canons de Bange sont, en effet, susceptibles de détériorations, et la moindre avarie suffirait à les mettre momentanément hors de service.

Plus l’industrie fait des progrès, et plus l’art de la guerre devient une science compliquée ; plus aussi l’intérêt suprême de la défense nationale exige de notre part des efforts constants, un zèle sans limites, et une application soutenue. Nous avons des canons incomparables ; il faut de bons pointeurs, pour les employer.


CHAPITRE III

les mitrailleuses, déceptions et préventions. — expériences récentes. — la mitrailleuse gatling. — les mitrailleuses anglaise et allemande. — le canon revolver hotchkiss. — rôle que joueront les mitrailleuses dans l’avenir.

Au moment où, dans les Merveilles de la science, nous décrivions les mitrailleuses française, belge et américaine, notre armée se mesurait, sur les champs de bataille de l’Est, avec l’armée allemande. On se tromperait fort en croyant que l’énorme supériorité du canon Krupp en acier sur nos pièces de 4, de 8 et de 12 en bronze, ait surpris tout le monde. On se doutait bien un peu, dans l’armée et même dans le public, que les canons prussiens avaient une portée plus considérable et une trajectoire plus tendue que les nôtres. Mais, d’une part, nombre d’officiers étaient encore persuadés que l’attaque à la baïonnette était le dernier mot de la tactique, et qu’il suffirait d’une compagnie de nos troupiers pour enlever toutes les batteries de l’ennemi. D’autre part, le public était alors si peu familiarisé avec les questions militaires, qu’il se payait volontiers de mots. C’est pour ces diverses raisons que la confiance dans la mitrailleuse était universelle en France, en 1870.

Cette confiance ne devait pas être de longue durée. Les mitrailleuses ne nous furent d’aucune utilité, pendant la guerre. Nos généraux, qui ne les avaient jamais vues à l’œuvre, essayèrent de s’en servir contre un adversaire qui se tenait à 3 000 ou 4 000 mè-