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CHAPITRE PREMIER

avantages de la réduction du calibre dans les armes à feu portatives. — études de m. hébler, de zurich. — expériences faites chez différentes nations du fusil à petit calibre. — différents modèles de ce fusil.

Un officier suisse, le professeur Hébler, de Zurich, faisait, dès l’année 1878, de profondes études sur l’avantage qu’il y aurait à diminuer le calibre des balles, et par conséquent celui des canons de fusil. Les idées du professeur de Zurich avaient beaucoup frappé les militaires français, allemands, belges et suisses ; et en 1883, les gouvernements de France et d’Autriche-Hongrie se disposaient à expérimenter d’une manière pratique le fusil de petit calibre.

Il est incontestable, en effet, que le petit calibre est préférable au gros, et même au moyen calibre. La vitesse initiale du projectile lancé par le fusil prussien, le fusil Mauser, est de 440 mètres par seconde : elle atteint 1 600 mètres avec un fusil de petit calibre.

Il faut aussi considérer la légèreté du fusil de petit calibre et de ses cartouches, ainsi que la force de pénétration de ses projectiles. Il a été prouvé que la force de pénétration des balles à manteau d’acier du fusil de 8 millimètres dépasse six fois celle des balles du fusil de 9 millimètres et demi. Trois chevaux, placés l’un derrière l’autre, ont été traversés par une balle de 8 millimètres, et cette même balle s’est ensuite enfoncée profondément dans un mur en bois.

Il est vrai que la balle de 8 millimètres ne subit aucune déformation, quand elle touche le but, et qu’ainsi les blessures qu’elle occasionne sont infiniment moins dangereuses que celles que provoquent les balles de gros calibre. Tandis que les balles du fusil Chassepot produisent, dans les parties du corps qu’elles frappent, d’énormes déchirures, la balle de petit calibre traverse, sans trop les offenser, les tissus vivants. Mais comme ce dernier projectile est animé d’une vitesse suffisante pour blesser quatre hommes placés à la file, et comme il importe, à la guerre, non de tuer des hommes, mais de les mettre hors de combat momentanément, il s’est rencontré, une fois par hasard, que les intérêts de l’humanité et ceux de l’art militaire se sont trouvés d’accord.

On obtient, au point de vue de la portée, des résultats extraordinaires avec le fusil de petit calibre.

Un soldat armé du fusil de 8 millimètres atteint, à coup sûr, un homme debout, à 520 mètres de distance. Pour la cavalerie, cette précision du tir s’étend jusqu’à 600 mètres. Si le tireur est à genoux, ce qui arrivera souvent dans les combats de l’avenir, le fusil de 8 millimètres donne une précision rigoureuse à la distance de 420 mètres, tandis que cette limite est de 300 mètres avec le fusil Gras. À 2 000 mètres, portée maximum, le fusil de 8 millimètres a les mêmes écarts en portée et en direction, que le canon de 90, dont nous avons parlé dans notre précédente notice ; c’est dire que sa trajectoire est rasante et que la zone dangereuse — pour l’adversaire — est très considérable.

Faire un petit fusil tirant à longue portée, envoyant une petite balle douée d’une pénétration suffisante, avec une grande précision, tel est donc le problème. L’histoire des dernières années nous montre qu’il a été résolu avec succès.

Les premières expériences avec le fusil de petit calibre eurent lieu en Suisse. En 1854, l’armée helvétique possédait un fusil du calibre de 10mm,4. En 1871, le major Rubin proposait un fusil de 9 millimètres ; enfin, en 1879, le professeur Hébler, de Zurich, dont les travaux sont universellement estimés, et qui fait autorité dans le monde