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lui communique donc la pression qu’elle subit, et le cylindre, à son tour, transmet cette impulsion au renfort de la boîte de culasse ; il en résulte qu’au moment où le coup part, l’arme tend à tourner. En outre, la pression des gaz est suffisante pour fausser, à la suite d’un tir prolongé, l’une ou l’autre des pièces que nous venons d’énumérer. Ce sont les inconvénients propres aux fusils Dreyse et Chassepot.

Pour obvier à cet inconvénient, le colonel Gras a garni la partie antérieure de la culasse mobile du fusil modèle 1886, de deux tenons, qui reçoivent directement la pression des gaz, et la transmettent symétriquement jusqu’à l’arrière du fusil, c’est-à-dire jusqu’à l’épaule du tireur.

Voyons maintenant comment fonctionne la fermeture de culasse ; nous ferons en même temps la description du fusil, que représentent dans son aspect général les figures 220 et 221.

Supposons (fig. 222) la culasse ouverte ; le magasin est placé sous le canon, d’une façon à peu près analogue à celle dont est disposé le magasin du fusil Mauser. L’auget A, dont nous avons expliqué le fonctionnement au chapitre précédent, élève les cartouches contenues dans le magasin jusqu’à l’entrée de la chambre. À l’aide du levier de manœuvre b, le soldat peut immobiliser l’auget ou le mettre en mouvement ; dans le premier cas, on tire coup par coup, en chargeant le fusil à chaque fois ; dans le second cas, on emploie le tir à répétition. Admettons que l’auget fonctionne librement. Au moment où le tireur refoule la culasse en arrière pour expulser l’étui vide n, le cylindre de culasse heurte un taquet t qui fait basculer l’auget ; alors la cartouche qui a été refoulée dans l’auget A par le ressort à boudin R pénètre dans la chambre T. Le soldat ramène la culasse mobile en avant pour la fermer ; la cartouche est chassée dans la chambre et le levier du cylindre, par l’intermédiaire du butoir (fig. 222), abaisse l’auget et l’incline jusqu’à ce qu’il ait reçu une nouvelle cartouche.

Le magasin contient dix cartouches, qu’un tireur exercé peut brûler dans d’assez bonnes conditions de précision, en 30 et 40 secondes ; si l’on ne fait pas usage du mécanisme de répétition, on tire facilement dix coups par minute.

Nous avons donné les dimensions essentielles du fusil modèle 1886, et fait voir que le poids de la cartouche est notablement inférieur au poids de la cartouche du fusil allemand. Le fantassin français en porte 118 sur lui. Les caissons de munitions de première ligne contiennent 100 cartouches par soldat d’infanterie, et les sections de parcs qui marchent à l’arrière en renferment 85 par homme, de façon que, sur le champ de bataille, chaque soldat dispose de 218 cartouches et que, dans l’espace de deux jours au plus, il peut en brûler 303.

La balle du fusil modèle 1886, qui est en plomb durci (90 parties de plomb pour 10 parties d’antimoine), a 32 millimètres de longueur. Elle est animée d’une vitesse initiale de 625 mètres par seconde ; sa trajectoire est tellement rasante qu’elle ne s’élève pas à plus de 2m,50 au-dessus du sol, tandis que la flèche du fusil Gras atteignait une hauteur de près de 5 mètres. Au camp de Châlons, le capitaine Journée a démontré que, pendant 6 secondes au moins, la balle traverse l’espace avec la même rapidité que le son. À 300 mètres de distance, ce projectile traverse des planches épaisses d’un mètre ; à 1 000 mètres, il percerait quatre hommes et deux chevaux.

Toute notre armée active est munie aujourd’hui du fusil modèle 1886 ; mais, en outre, deux fusils à répétition, d’une construction particulière, font partie de notre armement : le fusil Kropatchek, qu’emploient