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consistant à élever une tour, non en maçonnerie, mais en fer. Ils proposaient un cylindre en fer, de 9 mètres de diamètre, maintenu par une série de contreforts métalliques, disposés sur tout son pourtour, et venant se rattacher à une base, dont le diamètre était de 48 mètres.

Ce nouveau projet laissait une grande place à la critique. D’ailleurs les Américains, malgré leur esprit novateur et l’enthousiasme national que cette conception excitait, reculèrent devant son exécution. D’autres projets furent conçus, en d’autres pays, pour construire des tours, les unes en maçonnerie, les autres en métal allié à la maçonnerie, enfin en bois. Telle était la tour que l’on destinait à l’Exposition de Bruxelles de 1888. Mais aucun de ces derniers projets n’a été mis à l’étude. Ils sont restés dans le domaine du rêve, et des conceptions aussi faciles à enfanter par un ingénieur, que difficiles à exécuter par un constructeur.

Il en a été tout autrement du projet de notre tour de 300 mètres.

Voici dans quelles circonstances le plan en fut arrêté.

En 1885, après les études que M. Eiffel et les ingénieurs américains avaient eu l’occasion de faire sur de hautes piles métalliques supportant les viaducs de chemin de fer, comme celui de Garabit, M. Eiffel fut conduit à penser que l’on pouvait donner à des piles de viaduc, sans difficultés très considérables, des hauteurs bien plus grandes que celles qui avaient été réalisées jusqu’alors. Avant cette époque, les piles métalliques ne dépassaient pas 70 mètres. Il étudia, pour cet ordre d’idées, une grande pile de viaduc de 120 mètres de hauteur, avec 40 mètres de base.

C’est l’ensemble de ces recherches qui conduisit M. Eiffel, en vue de l’Exposition universelle de 1889, à proposer l’exécution d’une tour de 300 mètres. L’avant-projet avait été préparé par deux ingénieurs d’un mérite hors ligne, MM. Nouguier et Kœchlin, ingénieurs de l’usine Eiffel à Levallois-Perret, et par M. Sauvestre, architecte.

L’idée fondamentale de ces pylônes reposait sur un procédé de construction qui est particulier à M. Eiffel, et dont le principe consiste à donner aux arêtes de la pyramide une courbure telle, que cette pyramide soit capable de résister aux efforts transversaux du vent, sans nécessiter la réunion de ces arêtes par des tiges diagonales, comme on le fait habituellement.

D’après cette idée, on décida de donner à la tour la forme d’une pyramide à quatre arbalétriers courbés, isolés l’un de l’autre, et simplement réunis par des ceintures formant le plancher des étages. À la partie supérieure seulement, et quand les arbalétriers seraient suffisamment rapprochés, on devait employer les diagonales ordinaires.

C’est au mois de juin 1886 qu’une commission, nommée par M, Lockroy, alors ministre du commerce et de l’industrie, et présidée par M. Alphand, accepta définitivement le projet présenté par M. Eiffel. Le 8 janvier 1887 fut signée la convention avec l’État et la Ville de Paris, fixant les conditions dans lesquelles la tour devait être construite.

L’emplacement choisi pour le futur monument fut le Champ de Mars, par cette bonne raison que la tour était née de l’Exposition, qu’elle devait contribuer à son embellissement, et qu’elle ne pouvait, par conséquent, se trouver ailleurs que dans l’enceinte du Champ de Mars.

On a dit souvent qu’au lieu de la placer au Champ de Mars, on aurait dû l’édifier au Trocadéro, pour que sa hauteur fût augmentée de toute l’élévation de la colline du Trocadéro. Mais d’abord, la place aurait manqué ; il aurait fallu démolir le palais même du Trocadéro, et d’autre part, le sol, composé d’anciennes carrières pleines d’an-