Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la science ; et dès 1848 on essayait de le substituer à la poudre, dans les armes à feu et les pièces d’artillerie. Mais on reconnut bien vite que ce produit ne convient aucunement pour le chargement, ni des bouches à feu, ni des fusils.

Dans notre Notice des Merveilles de la science, nous avons fait l’histoire de la découverte des premiers emplois du coton-poudre, et rapporté les nombreuses tentatives faites par un grand nombre d’officiers et de savants, pour modifier certaines propriétés de ce produit et pour l’employer dans les armes portatives, aussi bien que dans les bouches à feu. Les essais du même genre qui ont été continués depuis l’année 1870 jusqu’à nos jours, dans les deux mondes, n’ont abouti qu’à de mauvais résultats. Sans doute, on n’a pas eu de peine à trouver que le coton-poudre a quatre fois plus d’action que la poudre ordinaire, mais on n’a jamais réussi à enlever à ce corps ses propriétés brisantes, qui en rendent le maniement si dangereux.

L’action brisante du coton-poudre est tellement énergique que pas un canon ne supporte, sans être rompu, un tir prolongé de trois à quatre cents coups.

Quelques tentatives ont été faites pour charger les obus avec du coton-poudre (nous en reparlerons plus loin), mais disons tout de suite qu’elles n’ont pas été heureuses. Neuf fois sur dix, quand les artilleurs se servaient d’obus chargés avec du coton-poudre, le projectile éclatait dans la bouche à feu. Or, on sait que rien n’est plus redoutable que ces éclatements prématurés, qui provoquent très souvent la rupture de la pièce, et qui mettent toujours en péril l’existence des servants. Ajoutons que le coton-poudre se conserve très difficilement.

Nous avons raconté dans les Merveilles de la science la terrible explosion qui détruisit l’atelier pour la fabrication du fulmi-coton, à la poudrerie du Bouchet, le 17 juillet 1848. On a attribué la cause de cette explosion à la présence de quelques gouttelettes d’acide sulfurique dans un kilogramme de coton-poudre. Sous l’influence de cet acide, qui peut demeurer en petite quantité dans la préparation du coton-poudre, on a vu plus d’une fois le coton-poudre, enfermé dans des barils, sauter par suite de sa décomposition.

En résumé, le coton-poudre s’est montré une substance d’un usage impossible dans les armes ; et si les Allemands et les Anglais persistent à étudier son emploi, nous avons, en France, renoncé depuis longtemps à poursuivre un but considéré comme chimérique.

La même déconvenue pratique attendait un produit dont nous avons parlé dans les dernières pages de notre Notice sur les Poudres de guerre, des Merveilles de la science. Nous voulons parler des poudres dites blanches, qui sont formées de picrate de potasse.

Ainsi que nous l’avons dit dans les Merveilles de la science, l’acide picrique fut découvert, en 1788, par un chimiste alsacien, Haussmann ; et Chevreul l’analysa, en 1869. On l’obtient en traitant le phénol, ou l’huile de goudron de houille, par l’acide azotique.

Le picrate de potasse, qui se représente sous la forme d’aiguilles dorées, est un produit très employé en teinture, en raison de sa grande puissance colorante.

L’acide picrique détone à + 300° ; et par sa décomposition, il ne donne que des gaz : acide carbonique, oxyde de carbone, hydrogène et azote. Aussi sa décomposition produit-elle des effets foudroyants.

On a fabriqué différentes poudres à base d’acide picrique, et nous avons parlé de ces composés explosifs dans notre Notice des Merveilles de la science[1].

  1. Tome III, page 296 et suivantes.