Page:Filiatreault - Contes, anecdotes et récits canadiens dans le langage du terroir, 1910.djvu/25

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Comme je vous l’ai dit plus haut, Angélique avait beaucoup de qualités solides, mais elle avait aussi un défaut rédhibitoire dont elle ne s’est jamais guérie : elle se fourrait le nez dans toutes les affaires qui ne la regardaient pas. On m’objectera peut-être que ce défaut est à peu près général, mais je répondrai qu’il semble plus caractérisé chez nous que partout ailleurs. Elle voulait à tout prix savoir ce qui bouillait dans la marmite de son voisin, et pour mieux arriver à ce résultat, elle avait deux paires de lunettes, l’une plantée sur le dessus de la tête pour voir ce qui se passait chez les gens qui habitaient au-dessus de son logis, et l’autre juchée sur son nez pour se rendre bien compte des agissements des voisins d’en face. Elle connaissait mieux les affaires de tout ce monde-là que les intéressés.

Un jour, un jeune homme du voisinage ayant subi l’opération de l’appendicite, elle expliquait à ma femme la nature de cette maladie.

— J’vas vous dire, Madame, exactement c’que c’est qu’cette infirmité qu’est ben connue de tout l’monde. Les docteurs ne veulent pas l’dire aux pauvres gens, parc’que ça leurs empêcherait d’faire de l’argent. Aussi, quoi-ce qui z’ont pas faite ? Y ont inventé un nom qui fait peur au monde, et ils vous coupaillent un homme, l’temps de l’dire. Et pourtant, c’est ben simple, allez. Ça prend dans les alentours du nombril pour faire le tour du corps et arriver jusqu’au pommon des reins ; de d’là ça r’monte jusqu’à la virgule drette ; ça travarse ensuite la moelle sapignière jusqu’à la virgule gauche pour descendre au pommon qui s’trouve proche d’la rate ;