Page:Filiatreault - Mes étrennes - La hache versus la bêche, 1912.djvu/10

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indique une vaste intelligence, et les lèvres minces, pincées, presque nulles, dénotent chez lui une fermeté redoutable. Je suis sûr que M. Bruchési n’a jamais franchement ri. Il a des mains remarquablement belles, et il porte une bague ornée d’un gigantesque améthyste. Un pareil bijou au doigt d’un laïque classerait son porteur parmi les croquants, mais au doigt d’un chanoine, il indique une ambition et un espoir.


Vous n’avez pas été déçu, Monseigneur. Vous y êtes.

Voilà ! il n’y a rien à ajouter.


Si je voulais aujourd’hui, à vingt ans de distance, ouvrir mes tiroirs et livrer au public toutes les paperasses que je possède, il y a bien des gens haut placés qui seraient surpris et énervés.

Je raconterais, par exemple, qu’un curé du comté de Vaudreuil, fils d’un boucher du faubourg St-Joseph, picoté tant qu’on veut, qui fabriquait son propre whisky dans son presbytère, me disait que le régime « sous lequel nous vivons durerait aussi longtemps que lui-même, et que cela lui suffisait. »

Il avait raison, car il est mort depuis cette époque.

On m’accuse peut-être de procéder par insinuations malveillantes. N’ayez crainte, je n’ai jamais trahi personne, même, mes pires ennemis, et j’ai toujours combattu ceux-ci à visage découvert. J’ai probablement commis des erreurs dans des temps troubles où toute arme était permise pour ne pas être écorché vif. Mais de là à livrer des secrets qui m’ont été confiés sous le sceau de l’honneur, il y a loin. Ma dignité personnelle seule serait suffisante pour m’empêcher d’en agir ainsi.

Je ne dis toutes ces choses que pour rétablir les faits et dégager ma responsabilité sans exposer d’autres personnes à