Page:Finot - La Marche à la lumière, Bodhicaryavatara, poème sanskrit de Cantideva.djvu/19

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notamment, qui contient l’exposé technique de la doctrine des Mâdhyamikas, il arrive à la plus complète aridité. Mais par contre il laisse souvent place à de vigoureux et pathétiques accents. Ce n’est pas seulement à coups de syllogismes que Çântideva flagelle le Moi. Quand il traîne l’homme au cimetière, devant les pauvres restes de la femme qu’il aima, et qu’il l’oblige à contempler l’horrible spectacle de ce corps charmant dévoré par les vautours, il met dans ses apostrophes toute l’éloquence familière et poignante d’un prédicateur populaire. On ne peut échapper à l’impression que Çântideva était un sermonnaire de talent et on l’imagine volontiers sur le « siège de la Loi », faisant sonner le « rugissement du lion » aux oreilles de ses ouailles intimidées.

Vigoureux, certes, il sait l’être, mais aussi adroit et insinuant, comme un sage directeur de conscience. Il exhorte le néophyte à ne pas s’effrayer des souffrances que lui prépare sa carrière : tout devient si facile par l’entraînement ! (VI, 14). Sans doute, les passions ne se laissent pas dompter sans peine : mais il y a d’ingénieux procédés pour en venir à bout, par exemple, le « grand secret » (VIII, 120), l’interversion du moi et du toi : il suffit de se persuader qu’on est autrui et qu’autrui est soi-même. Cette substitution opérée, il n’est plus nécessaire de