Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/102

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À part les deux grandes questions de la couleur et des cheveux, il y en a plusieurs autres absolument insignifiantes que l’on soulève dans le but de prouver une différence organique entre le blanc et le noir. Peut-être faudra-t-il y revenir. Mais disons dès maintenant que la prétendue membrane clignotante de l’œil particulière à la race noire, dont parle Broca sur l’autorité de Sœmmering, est une pure fantaisie. Ce fait imaginaire n’a été pris au sérieux que pour amener cette conclusion si chère au savant anthropologiste : « La conformation physique du nègre est en quelque sorte intermédiaire entre celle de l’Européen et celle du singe[1]. » Il faut avouer que les singes ne sont pas plus malins ni plus entêtés.

Il me serait facile de pousser plus loin l’examen des arguments que l’illustre fondateur de la Société d’anthropologie de Paris a invoqués, les uns après les autres, afin de prouver une distance spécifique entre l’homme de l’Europe et l’homme de l’Afrique. Pour le besoin de sa thèse, il a constamment cherché à rabaisser la race noire, afin de la rendre moins acceptable dans la communauté d’espèce que les Européens reconnaissent entre eux. C’est un mode d’argumentation dont l’emploi ne s’explique que par le besoin de la cause, moyen fallacieux et risqué, dont on ne tire jamais le moindre avantage. Les arguments qui en font les frais ont été nommés par Claude Bernard, arguments de tendance. Aussi dans un demi siècle, les Mémoires d’Anthropologie du célèbre physiologiste seront tellement en contradiction avec les faits, alors hautement reconnus par la science, que ce sera un malheur pour son nom qu’il n’ait pas conservé seule la gloire d’une découverte qui l’immortalise.

  1. Broca, loco citato, p. 397.