Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/462

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes qui, dans le temps, s’en faisaient les interprètes. Il voit tomber Geffrard et entonne un hymne où il glorifie la révolution du 8 mars. Le poète chante le réveil, il chante l’espérance. Mais arrive le général Salnave à Port-au-Prince ! arrive la fin tragique du général Montas ! et son âme s’assombrit ; de sa lyre muette il ne s’échappe plus d’accent. À la place de l’ardeur vient une prostration, un découragement concentré qui le mine insensiblement et le mène au tombeau, en proie à une fièvre ardente où la désillusion et la défaillance réduisent a l’impuissance l’art des plus habiles médecins…

« Quelle leçon pour la génération présente ! En effet, si les idées libérales ont eu une influence si malheureuse sur la destinée de ce jeune homme intelligent, à l’esprit si précoce, au cœur si vivace, c’est qu’il avait mal compris le libéralisme. Dans son élan de poétique patriotisme, il a trop attendu de certains hommes ; et quand il fut trompé dans sa confiance, au lieu d’abandonner ses anciennes idoles pour ne s’attacher qu’aux idées qu’il croyait sincères en elles, il aima mieux douter de tout.

« Fatal attachement ! La politique, quoi qu’on en dise, n’est pas une affaire de cœur et de sympathie personnelle, mais de raisonnement. Ce qu’on doit aimer dans un homme politique, ce n’est pas sa personne, mais bien ses idées ; cet amour des idées doit être entretenu avec un tel esprit de contrôle que l’on soit toujours prêt à condamner l’homme pour le salut des principes qu’on aime. Si Ducas-Hippolyte pensait ainsi, l’affaire Montas, au lieu de porter une atteinte funeste à son patriotisme blessé, l’eût encouragé dans la lutte : il eût pu mépriser les parjures sans être assujetti par cet orgueil malheureux dont parle M. Marcelin, lequel nous empêche de brûler au besoin le dieu que nous avons adoré, quand nous en reconnaissons la fausseté et la trahison. Mais ne condamnons pas le poète. À