Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/465

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ou défaillance, y trouvent un accent qui les traduit et les idéalise. Sans doute, on ne découvre dans les poésies de M. Edouard aucune de ces inspirations purement nationales, qui reflètent les images du pays natal ou les premières impressions qui ont agité l’âme du poète. Dans toutes ses compositions il reste toujours européen ; cela est si vrai qu’en le lisant, on ne se rappelle plus qu’on a entre les mains l’œuvre d’un petit-fils d’Africain.

Malgré le charme d’hilarité que l’étranger éprouverait à le voir imiter en ses vers le son du bamboula et décrire l’agilité de la fringante créole, dont « la croupe se recourbe en replis gracieux », le poète noir n’a pas cherché ce genre de succès. Peut-être y aurait-il trouvé des notes admirables de fraîcheur et de coloris, ou son talent poétique se montrerait en plein relief ; mais il n’a pas voulu. Est-ce pudeur ou plutôt est-ce oubli ? Personne ne prononcera. Si toutes les libertés sont respectables, celle du poète est surtout sacrée. La pensée doit être libre comme l’air. Spiritus flat ubi vult.

M. Léo Quesnel, qui soutient d’une manière spéciale et personnelle la thèse de l’inégalité des races humaines, tout en reconnaissant le mérite de notre jeune poète ; lui reproche cette absence de couleur locale que notre critique confond avec le manque d’originalité. En citant une phrase où l’un des Haïtiens les plus intelligents, Geoffrin Lopez, critiquait avec exagération le peu de goût que montrent ses compatriotes pour les études sérieuses, l’écrivain de la Revue politique ajoute en note : « À tout il y a des exceptions. Un jeune Haïtien, M. Emmanuel Edouard, vient de publier chez Dentu les Rimes haïtiennes qui sont empreintes d’une sensibilité profonde ; la facture est harmonieuse. On n’y trouve pas la saveur d’originalité qu’on aurait pu désirer ; mais on le sait, il ne faut pas demander cette qualité aux nègres. M. Emmanuel Edouard n’en a