Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/523

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Chose curieuse ! Cette façon de concevoir Dieu est justement celle des anciens philosophes qui vivaient au milieu des superstitions du paganisme. Cicéron[1] cite deux vers d’Ennius qui en sont une interprétation expresse :

Ego Deûm genus esse semper duxi et dico cœlitum,
Sed eos non curare opinor quid egat hominum genus.

Quoi qu’on ait voulu dire de l’infériorité intellectuelle et morale de l’Éthiopien, au point de vue des conceptions religieuses, il est impossible de ne pas convenir aujourd’hui que l’état mental ou se trouvent les hommes de cette race, qui n’ont pas encore subi l’influence du fanatisme musulman, est hautement préférable à la disposition spirituelle de l’immense majorité des Européens. Une fausse éducation religieuse a invinciblement attaché ces derniers à la défense et au maintien des plus graves erreurs ; elle constitue ainsi l’obstacle le plus sérieux au progrès, à la vulgarisation scientifique et à l’émancipation de la raison. Peut-être est-ce en réfléchissant sur ce cas digne de remarque, que l’illustre Auguste Comte a déclaré que l’état fétichique est plus favorable que l’état théologique, et même métaphysique, au développement de la philosophie positive. Cette nouvelle philosophie est destinée à raffermir et à fortifier la raison humaine, en ne lui reconnaissant d’autre gouverne que la science, dont les résultats compétemment obtenus sont les seules vérités infaillibles, auxquelles on doive conformer sa conduite. Une confirmation éloquente des prévisions du grand positiviste, c’est l’exemple important que donne l’évolution spirituelle des noirs d’Haïti. N’ayant eu aucune de ces croyances héréditaires qui entravent l’esprit et l’empêchent d’évoluer spontanément vers des horizons scientifiques plus larges que ceux entrevus dans le passé, ils adoptent généralement, sans

  1. Cicéron, De divinatione, II, 56.