Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/558

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s’opère. « Les négrillons nés dans notre colonie, qui ont la même éducation physique et les mêmes aliments qu’en Afrique, dit Moreau de Saint-Méry, ont en général le nez moins épaté, les lèvres moins grosses et les traits plus réguliers que les nègres africains. Le nez s’allonge, les traits s’adoucissent, la teinte jaune des yeux s’affaiblit, à mesure que les générations s’éloignent de leur source primitive, et ces nuances d’altération sont très sensibles. J’ai vu des nègres avec un nez aquilin et fort long, et ces traits passer à tous les individus de la même famille. »

Ce changement étonnant qui est cause qu’aujourd’hui on ne saurait reconnaître un noir haïtien dans le tableau fantaisiste qu’on fait du nègre au nez épaté et au visage prognathe, a été déjà noté dans cet ouvrage, quand il s’est agi d’étudier les races humaines sous le rapport de la beauté. Mais ce ne fut pas seulement dans le faciès de l’homme noir qu’il s’opéra. Tout son être avait reçu une vie nouvelle, vie résistante et d’une force admirable, quand on pense à quelle épreuve elle fut mise, sans perdre l’élasticité qui en fait le ressort particulier. La nature fut plus forte que les hommes. Malgré toutes les précautions du maître, toujours en éveil pour empêcher que le souffle divin de la liberté ne trouvât jamais dans la tête du Nigritien un rayon d’intelligence, seule ressource qui nous met à même de triompher de la force, le miracle s’opéra juste au moment où l’on pouvait le moins s’y attendre. Au branle magique que communiqua au monde la Révolution française, on vit bientôt les Africains asservis se transformer en héros et relever la tête vers la lumière.

D’autres ont tracé à grandes lignes les faits glorieux par lesquels nos pères ont signalé à l’univers entier leur courage et leur héroïque résolution, en effaçant à jamais sur la terre d’Haïti, jusqu’aux derniers vestiges de l’esclavage. Pour buriner en caractères indélébiles les fastes de la liberté,