Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/622

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Job en est obsédé ; Jésus en est encore tenté. L’Apocalypse lui fait une place tellement saillante dans le jugement dernier, qu’on se demande parfois s’il ne joue pas dans ce drame suprême un rôle aussi grandiose, aussi puissant, sinon aussi attrayant que celui du divin agneau. Partout où le Dieu chrétien se manifeste pour la réalisation d’un bien quelconque, Satan s’érige, invincible, avec une volonté indomptable, une persévérance infatigable de détruire l’œuvre de son éternel antagoniste et de le remplacer par le mal. Les deux principes, ou, si l’on veut mieux, les deux forces subsistent l’une à côté de l’autre, dans une lutte qui ne finira pas. Le sacrifice du calvaire, en ouvrant une voie vers le ciel, n’a point ruiné l’influence du tentateur sur la terre qui reste toujours livrée à l’abomination de la désolation. En dehors du petit nombre des élus, auxquels un rayon de la grâce a été communiqué d’en haut, tous les mortels sont exposés à ses attaques !

On conçoit la répulsion et la détestation qu’un tel être inspire naturellement aux chrétiens. Ils doivent observer une vigilance incessante, afin de lui fermer tout accès dans leur cœur et même dans la nature entière. Le grand triomphe de l’Église serait de briser à jamais la trame du mal, afin de ravoir ici-bas le bonheur que nos premiers parents avaient connu, avant qu’Ève se fût montrée si friande de la fameuse pomme. Mais au prix de quelle lutte ! Le baptême chrétien ne se donne qu’au préalable on ait renoncé à Satan ; les exorcismes de l’église sont encore l’expression de l’empire qu’on lui suppose. Il n’y a pas un seul vrai fidèle qui, sentant un frisson étrange lui agacer la chair, ne s’empresse de crier : vade retro Satanas !

L’idée de l’existence du diable est donc une partie intégrante de la religion catholique. Mais pour que le mythe s’adaptât si bien à l’esprit de la foule et devînt à ce point