Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/655

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verront devancés, ils ne manqueront aucune occasion de se venger d’un fait qu’ils considèrent comme anormal. Se dressant dans toute la hauteur de la précellence qu’une doctrine absurde et arbitraire a créée en leur faveur, ils accableront le noir intelligent, sinon de mépris, mais de sots dédains et d’amers sarcasmes. Dans toutes ses relations, à chaque heure, à chaque minute, en chaque circonstance, on lui fera sentir la conviction qu’on a de son infériorité ethnique. On l’accablera de tout le poids de la malédiction de Noé. Et le pauvre enfant croit en Dieu ; ne se doute guère de l’exégèse filandreuse de la Bible !

J’avoue, pour ma part, que dans ma première jeunesse, je fus constamment aux prises avec les plus pénibles réflexions, en lisant cette légende malfaisante qu’on eût bien fait d’effacer de tous les ouvrages destinés à l’enseignement, surtout parmi les peuples noirs. Aussi, ces préoccupations hâtives ont-elles beaucoup contribué à mon affranchissement spirituel. Je n’eus aucune hésitation à rompre avec les croyances théologiques, du jour ou mon esprit pût enfin concevoir leur triste influence sur la destinée de ma race. Mais il n’en est pas ainsi pour tous mes congénères.

Ainsi donc, en admettant même que le Noir continue à lutter, c’est encore en des conditions désolantes. Non- seulement il n’a pas devant lui la perspective des carrières pour lesquelles un haut développement intellectuel est un élément indispensable et perd par là la principale source d’excitation mentale ; mais il subit, en outre, une influence dépressive qui, lentement et graduellement, finit par épuiser toute son énergie morale en détruisant en même temps toute son activité intellectuelle. Je considère cette dépression de la moralité d’autant plus funeste ; je lui attribue des effets d’autant plus malfaisants et pernicieux sur la bonne santé de l’esprit que, pour expliquer les inégalités