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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Ils travaillent à renverser quelque ministre qui tombera sans eux, quand ils pourraient, par un seul vers de satire, attacher à son nom une illustration d’opprobre. Ils s’occupent d’impôt, de douanes, de lois, de paix et de guerre ! Mais que tout cela est petit ! Que tout cela passe ! Que tout cela est faux et relatif ! Et ils s’animent pour toutes ces misères ; ils crient contre tous les filous ; ils s’enthousiasment à toutes les bonnes actions communes ; ils s’apitoient sur chaque innocent qu’on tue, sur chaque chien qu’on écrase, comme s’ils étaient venus pour cela au monde. Il est plus beau, ce me semble, d’aller à plusieurs siècles de distance faire battre le cœur des générations et l’emplir de joies pures. Qui dira tous les tressaillements divins qu’Homère a causés, toutes (sic) les pleurs que le bon Horace a fait en aller dans un sourire ? Pour moi seulement, j’ai de la reconnaissance à Plutarque à cause de ces soirs qu’il m’a donnés au collège, tout pleins d’ardeurs belliqueuses comme si alors j’eusse porté dans mon âme l’entraînement de deux armées.

Je ne sais pas si tout cela est lisible ; j’écris trop vite.

Adieu, cher amour. Il n’y a pas moyen de [te] faire la moindre surprise. Je voulais te donner une ceinture turque et tu la demandes avant que je l’aie reçue. Pouvais-tu imaginer que je n’y pensais pas ! Mille baisers. Merci des autographes. Ce n’est pas que j’en sois amateur ; mais tout ce qui te touche m’intéresse.