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DE GUSTAVE FLAUBERT.

revenait de temps à autre en France. Quand il était à Calcutta, il passait sa journée couché à plat sur une carte de Paris, et rentré à Paris il se mourait d’ennui et regrettait Calcutta. L’homme est ainsi : il va alternativement du Midi au Nord et du Nord au Midi, du chaud au froid, se fatigue de l’un, demande l’autre et regrette le premier.

Je te remercie, ma pauvre bonne, de ton offre de café ; il me serait tout à fait inutile. Tu m’aimes tant que tu voudrais me nourrir et me vêtir ! Que je t’aime de toutes ces idées drôles et si naturelles pourtant ! Tu me combles de prévenances, de soins. Il n’y a que les femmes pour tout cela, et eut-être parmi les femmes il n’y a que toi. Tiens, j’ai maintenant une envie démesurée d’embrasser ta figure, et tes yeux qui me regardent avec tant d’amour.

Mais, pour en revenir au café, j’en ai pris autrefois pour toute ma vie. Pendant que j’habitais à Paris, c’était une espèce de rage. J’en buvais bien la valeur d’une grande carafe par jour. L’excès m’a toujours attiré, quel qu’il soit. Maintenant, je n’en prends plus du tout et d’aucune façon ; il y a bientôt trois ans que je n’en ai goûté une cuillerée. Dispose donc de ma portion pour quelque autre ; si dans quelque temps tu es contente de Du Camp, donne-la-lui.

Parle-moi de ton drame. C’est moi qui viendrai à la première représentation ! Comme le cœur me battra au lever du rideau ! Oui, je serai là pour te consoler du public s’il t’outrage, ma pauvre chère aimée, ou pour te serrer dans mes bras, toute triomphante, s’il t’applaudit. As-tu déjà pensé à cela ? Moi, j’y rêve depuis longtemps. Oui, déjà