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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Je vis et j’ai toujours vécu dans une gêne affreuse qui me rend sombre, irritable et humilié intérieurement. Les haillons dont d’autres rougissent, moi je les porte sous la peau. J’ai des besoins désordonnés qui me rendent pauvre avec plus d’argent qu’il n’en faut pour vivre, et je prévois une vieillesse qui finira à l’hôpital, ou d’une manière plus tragique. J’y serai sans doute forcé un beau jour ; car alliant le désir de l’or avec le mépris du gain, c’est une impasse où le petit bonhomme étouffe comme dans un étau. Enfin, n’importe. Personne ne me comprend là-dessus ; inutile dès lors d’en ouvrir la bouche.

Ah ! mon orgueil qui te paraît si grand, si tu savais combien de renfoncements et de raplatissements il éprouve à toute minute, tu le plaindrais au lieu de le haïr. Mais je ne veux pas te parler de tout cela, ni de mille autres choses pires qui me tiennent une compagnie journalière. Meute crottée, qui bâille et s’étale au foyer, et prend la place du maître.


169. À LA MÊME.
Entièrement inédite.
Mardi soir 10 heures [17 novembre 1846.]

Ne m’adresse plus tes lettres à Croisset, cher ange, mais à Rouen, rue de Crosne-Hors-ville, 25, au coin de la rue de Buffon. Nous allons y coucher jeudi prochain, jour où enfin j’espère que cette éternelle commission se sera décidée. Il faudra pourtant qu’elle en finisse ! Samedi ils se sont