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DE GUSTAVE FLAUBERT.

bien lentement, ou plutôt ça ne vient pas. Il faut que je fasse immédiatement quelque chose de fort difficile en soi : à savoir cette haine qui vous prend tout à coup à regarder certaines gens que l’on ne déteste pas encore. Pour écrire passablement ces choses-là, il faut surtout les sentir et j’ai du mal à me faire sentir. Les érections de la pensée sont comme celles du corps ; elles ne viennent pas à volonté ! Et puis je suis une si lourde machine à remuer ! Il me faut tant de préparations et de temps pour me remettre en train !

Comme nous avons été heureux à ce voyage ! Comme nous nous sommes aimés ! Mais la prochaine entrevue sera meilleure encore. Ce sera à Mantes, au printemps. Là, nous sommes plus à nous, et rien qu’à nous. J’aurai une bonne tartine encore de faite ; toi, ton Acropole terminée, le prix décidé ? espérons-le, le plan de ton drame écrit. Après cette fois-là, encore deux ou trois autres, et puis mon installation à Paris et l’inauguration de mon logement par cinq ou six bonnes séances passées à lire la Bovary. Allons, du courage, pauvre amie. Pioche l’Acropole, fais-nous de grands vers cornéliens, cela est dans ta corde. Tu as naturellement le vers tendu et pompeux (quand il n’est pas flasque, banal). Veille surtout à la correction, pour ces messieurs. Tu sais quels pédants, et ils ont raison de l’être. Si on leur ôtait cela, que leur resterait-il ?

J’ai envoyé ta lettre à Bouilhet et j’ai reçu de lui ce matin, par la poste, un mot où il me dit qu’il travaille ferme. Pas un mot de la Diva. Mais je crois qu’il en a reçu une lettre, car il me dit : « Je t’apporterai un morceau de prose que j’ai