Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
CORRESPONDANCE

Bouilhet est dans mon cabinet. On cause à mes côtés ; je ne sais pas trop bien ce que je te dis, mais j’ai voulu t’embrasser de suite. Je vois de là ta pauvre et belle figure si dolente.

Dieu ! que ma Bovary m’embête ! J’en arrive à la conviction quelquefois qu’il est impossible d’écrire. J’ai à faire un dialogue de ma petite femme avec un curé, dialogue canaille et épais, et, parce que le fonds est commun, il faut que le langage soit d’autant plus propre. L’idée et les mots me manquent. Je n’ai que le sentiment. Bouilhet prétend pourtant que mon plan est bon, mais moi je me sens écrasé. Après chaque passage, j’espère que le reste ira plus vite et de nouveaux obstacles m’arrivent ! Enfin ça se finira un jour ou l’autre.

Va trouver Mignet. Qu’est-ce que tu risques ? Adieu, mille baisers, je t’écrirai au milieu de la semaine. Encore bien des caresses sur le cœur, sur le corps.

Ton G.

382. À LOUISE COLET.
[Croisset] Mercredi, minuit et demi
[13-14 avril 1853].

Comme je suis content que ta Paysanne paraisse enfin ! Tu verras, ce sera un succès. Je l’ai toujours dit, il en a tous les éléments : c’est une œuvre. Marche donc et lève haut la tête, ô Muse ! Vois comme tu as bien fait d’en retrancher tout le lyrisme inutile. Ainsi la tartine déclamatoire contre la guerre :

Pour le soldat vous êtes l’air vital