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CORRESPONDANCE

Le commencement de la semaine a été mauvais, mais maintenant ça reva, pour retomber bientôt sans doute. J’ai toujours ainsi des hauts et des bas. La fétidité du fond, jointe aux difficultés de la forme, m’accable quelquefois. Mais ce livre, quelque mauvais qu’il puisse être, sera toujours une œuvre d’une rude volonté et, une fois fini, corrigé, achevé d’un bout à l’autre, je crois qu’il aura une mine hautaine et classique. Ce sont de ces œuvres dont parle Perse, qui veulent que l’on se morde les ongles jusqu’au sang. À défaut d’autre mérite, c’en est un que la patience. Le mot de Buffon est impie ; mais quand le génie manque, la volonté, dans une certaine limite, le remplace. Napoléon III n’en est pas moins empereur tout comme son oncle. Après ce trait de modestie (de ma part), je te dis adieu, bon courage, à bientôt. Le soleil ne meurt jamais ! l’art est immortel comme lui ! et il y a des mondes lumineux où les âmes des poètes vont habiter après la mort ; elles roulent avec les astres dans l’infini sans mesure.

Un long baiser sur tes lèvres. À toi, à toi.

Ton G.

386. À LOUISE COLET.
[Croisset] Mardi soir, 1 heure après minuit
[26-27 avril 1853].

Il est bien tard, je suis très las. J’ai la gorge éraillée d’avoir crié tout ce soir en écrivant, selon ma coutume exagérée. Qu’on ne dise pas que je ne fais point d’exercice. Je me démène tellement