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DE GUSTAVE FLAUBERT.

primer ainsi). Je crois que plus tard on reconnaîtra que l’amour de l’humanité est quelque chose d’aussi piètre que l’amour de Dieu. On aimera le Juste en soi, pour soi, le Beau pour le beau. Le comble de la civilisation sera de n’avoir besoin d’aucun bon sentiment, ce qui s’appelle. Les sacrifices seront inutiles ; mais il faudra pourtant toujours un peu de gendarmes ! Je dis là de grandes bêtises, mais pourtant le seul enseignement à tirer du régime actuel (basé sur le joli mot vox populi, vox Dei) est que l’idée du peuple est aussi usée que celle du roi. Que l’on mette donc ensemble la blouse du travailleur avec la pourpre du monarque, et qu’on me les jette de compagnie toutes deux aux latrines pour y cacher conjointement leurs taches de sang et de boue ; elles en sont raides.

Adieu, comme il est tard ! Je t’embrasse partout, du cœur et du corps, toi avec qui je me fonds et confonds. Aussi je signe toujours de ce seul mot

Ton G.

394. À LOUISE COLET.

En partie inédite.

[Croisset] Mercredi, minuit [1er juin 1853].

Je viens d’écrire au grand homme (la lettre partira après-demain au plus tard), ce qui n’était pas aisé à cause de la mesure que je voulais tenir. Il a fait trop de canailleries pour que je puisse lui