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CORRESPONDANCE

À propos de gens désagréables, pourquoi t’acharnes-tu, chère Muse, à me cadotter des billets de Mme Didier ? Je t’assure qu’ils ne me divertissent pas du tout. Je sais tout cela par cœur (quelle médiocre individue !). C’est comme les feuilletons de l’ami Théo ; est-ce plat !

Aujourd’hui il a fait une journée indienne, un temps lourd, et mon hôte ajoutait 25 degrés à l’atmosphère. Mais l’Art est une si bonne chose, cela vous remet si bien d’aplomb, le travail, que ce soir je suis tout rasséné (sic), calmé, purgé. Je ne sais si Bouilhet t’a écrit. Il a dû te dire qu’il était content de ce que je lui avais lu ; et moi aussi, franchement. Comme difficulté vaincue, ça me paraît fort ; mais c’est tout. Le sujet par lui-même (jusqu’à présent du moins) exclut ces grands éclats de style qui me ravissent chez les autres, et auxquels je me crois propre. Le bon de la Bovary, c’est que ça aura été une rude gymnastique. J’aurai fait du réel écrit, ce qui est rare. Mais je prendrai ma revanche. Que je trouve un sujet dans ma voix, et j’irai loin. Qu’est-ce donc que les contes d’enfant[1] dont tu parles ? Est-ce que tu vas écrire des contes de fées ? Voilà encore une de mes ambitions ! écrire un conte de fées.

Je suis fâché que la Salpêtrière ne soit pas plus raide en couleur. Les philanthropes échignent tout. Quelles canailles ! Les bagnes, les prisons et les hôpitaux, tout cela est bête maintenant comme un séminaire. La première fois que j’ai vu des fous, c’était ici, à l’hospice général, avec ce pauvre père Parain. Dans les cellules, assises et attachées par

  1. Les Enfants célèbres, de L. Colet, 1 vol. Paris, Hachette, 1854.