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CORRESPONDANCE

Je voudrais te presser sur moi dans mes défaillances. Mais après ? — Non ! Non ! Les jours de fête, je le sais, ont de trop tristes lendemains. La mélancolie elle-même n’est qu’un souvenir qui s’ignore. Nous nous retrouverons dans un an, mûris et granitisés. Ne te plains pas de la solitude. Cette plainte est une flatterie envers le monde (si tu reconnais que tu as besoin de lui pour vivre, c’est te mettre au-dessous de lui). « Si tu cherches à plaire, dit Épictète, te voilà déchu. » J’ajoute ici : s’il te faut les autres, c’est que tu leur ressembles. Qu’il n’en soit rien ! Quant à moi, la solitude ne me pèse que quand on m’y vient déranger ou quand mon travail baisse. Mais j’ai des ressorts cachés avec quoi je me remonte, et il y a ensuite hausse proportionnelle. J’ai laissé, avec ma jeunesse, les vraies souffrances ; elles ont descendu sur les nerfs, voilà tout. Adieu, chère bonne amie bien-aimée. Je t’embrasse longuement, tendrement, amplement.

Tu feras bien d’aller voir Jourdan. Il m’a eu l’air d’un brave homme. C’est une connaissance d’ailleurs à ne pas négliger.


343. À LA MÊME.

En partie inédite.

[Croisset] Dimanche soir, 11 heures
[19 septembre 1852].

Tu me permettras, chère Louise, de ne pas te faire de compliments sur ton flair psychologique. Tu crois tout ce que la mère Roger t’a débité,