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CORRESPONDANCE

on arrange en pointe le bout du pied, littérature de la Régence Gil Blas. On économise le cuir et la forme (encore un calembour !) est poussée à une telle exagération d’antinaturalisme qu’on en arrive presque à la Chine (sauf la fantaisie du moins). C’est mièvre, léger, contourné. Le talon est si haut que l’aplomb manque ; plus de base. Et d’autre part on rembourre le mollet, emplissage philosophique flasque (Raynal, Marmontel, etc.). L’académique chasse le poétique ; règne des boucles (pontificat de Monseigneur de La Harpe). Et maintenant nous sommes livrés à l’anarchie des gnaffs. Nous avons eu les jambarts, les mocassins et les souliers à la poulaine. J’entends dans les lourdes phrases de MM. Pitre-Chevalier et Émile Souvestre, bretons, l’assommant bruit des galoches celtiques. Béranger a usé jusqu’au lacet la bottine de la grisette, et Eugène Sue montre outre mesure les ignobles bottes éculées du chourineur. L’un sent le graillon et l’autre l’égout. Il y a des taches de suif sur les phrases de l’un, des traînées de merde tout le long du style de l’autre. On a été chercher du neuf à l’étranger, mais ce neuf est vieux (nous travaillons en vieux). Échec des rebottes à la Russe et des littératures laponnes, valaques, norvégiennes (Ampère, Marmier et autres curiosités de la Revue des Deux-Mondes). Sainte-Beuve ramasse les défroques les plus nulles, ravaude ces guenilles, dédaigne le connu et, ajoutant du fil et de la colle, continue son petit commerce (renaissance des talons rouges, genre Pompadour et Arsène Houssaye, etc.). Il faut donc jeter toutes ces ordures à l’eau, en revenir aux fortes bottes ou aux pieds nus, et surtout arrêter